15.8.08

Taille du cerveau, rythme d'évolution et spéciation

Pourquoi certains lignages se diversifient-ils plus que d’autres ? La réponse classique, formulée déjà par Charles Darwin dans son étude des pinsons du Galapagos, consiste à voir dans cette radiation adaptative la réponse locale à un milieu favorable : lorsqu’une espèce apparaît dans un environnement présentant divers types de ressources, elle aura tendance à se diversifier progressivement en plusieurs espèces-filles en fonction de l’exploitation spécialisée des opportunités écologiques. Le phénomène s’observe particulièrement bien en milieu insulaire. Mais dans les années 1980, Jeff Wyles, Allan Wilson et Joseph Kunkel ont suggéré que d’autres mécanismes pouvaient être à l’œuvre dans le taux de spéciation d’un lignage, et notamment la taille du cerveau. Cette hypothèse est connue sous le nom de dérive comportementale. Elle vient de recevoir une confirmation par la plus grosse étude jamais réalisée sur le règne aviaire : Daniel Sol et Trevor D. Price ont analysé 7209 espèces dans 120 familles d’oiseaux (75 % des espèces décrites). Il en ressort que les familles ayant connu la plus forte diversification sont aussi celles où le rapport taille du cerveau / taille du corps est le plus élevé. Les populations à gros cerveaux peuvent s’établir plus facilement dans de nouvelles niches écologiques, ce qui augmente la probabilité de spéciation allopatrique (et limite le risque de voir l’espèce dans son entier s’éteindre, quelques populations pouvant survivre). Et les gros cerveaux mènent également à un usage plus diversifié des ressources d’un même lieu, créant une pression sélective nouvelle et donc une diversification adaptative. On peut bien sûr songer que l’homme, primate doté du plus gros cerveau, offre un exemple de ce phénomène : il est issu de nombreuses lignées pré-humaines ayant vécu dans les derniers millions d’années, et il s’est diversifié en de nombreuses populations locales (ethnies) grâce à son aptitude à vivre de milieux et ressources différentes.

Référence :
Sol D., Price T.P. (2008), Brain size and the diversification of body size in Birds, American Naturalist, 172, 170-177, doi: 10.1086/589461

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