24.8.08

Récompense différée, intelligence et mémoire de travail

Nous passons notre temps à sacrifier des buts immédiats à des buts lointains : ne pas trop manger pour garder la ligne, ne pas trop boire pour conserver l’esprit lucide, ne pas être trop égoïste pour préserver divers liens sociaux, ne pas dépenser notre argent pour en avoir en cas de difficultés, etc. Bref, nous alignons une part de nos comportements sur un mode réflexif et projectif plutôt qu’expressif et impulsif. Cette tendance a été mesurée en psychométrie par des tests de dépréciation de la récompense différée (delay discounting dans la littérature, qui est essentiellement anglo-saxonne) : un gain plus ou moins important selon un délai plus ou moins long. Elle est associée à des bénéfices : par exemple meilleure réussite scolaire, universitaire et professionnelle, moindre probabilité de psychopathologie et de comportement criminel. Il se trouve que ces caractéristiques sont aussi celle de l’intelligence, psychométriquement appelée g ou capacité cognitive générale. L’équipe de Jeremy R. Gray a publié cette année deux papiers pour analyser les liens entre l’intelligence et la capacité à différer des récompenses. Le premier est une méta-analyse de 24 travaux précédemment parus depuis la première étude sur le sujet (1962), éligibles parmi 110 au total pour leur significativité statistique (taille d’effet). Il en résulte une corrélation négative (-.23) entre le facteur g et la dépréciation de récompense différée. Le second travail a consisté à analyser le rôle de la mémoire de travail dans ce processus. 103 adultes en bonne santé se sont livrés à un test sur la récompense, un autre sur l’intelligence et une imagerie cérébrale lors du passage du test de récompense. Du point de vue neurologique, les différences les plus notables ont été observées dans une aire du cortex préfrontal antérieur gauche, déjà connue pour intégrer les diverses informations que le cerveau reçoit en temps réel. Les différences d'activation neurale de cette aire sont corrélées à g (.26) et à la dépréciation de la récompense différée (-.44).

Références :
Shamosh N.A. et al. (2008), Individual differences in delay discounting: Relation to intelligence, working memory, and anterior prefrontal cortex, Psychological Science, 19, 9 online pub.
Shamosh N.A. et J.R. Gray (2008), Delay discounting and intelligence: A meta-analysis, Intelligence, 36, 289-305, doi:10.1016/j.intell.2007.09.004

Aucun commentaire: