19.8.08

Sciences sociales et conviction

Dans Libération, une tribune de Michel Wieviorka intitulée « Le renouveau du PS passe par les sciences sociales ». L’avenir du parti socialiste français ne fait pas vraiment partie de mes centres d’intérêt. L’existence d’une science sociale, si. Je m’interroge sur la possibilité de mettre en rapport ces deux choses. Wieviorka passe en revue les diverses incarnations de l’intelligentsia depuis Zola. Puis il arrive à destination, c’est-à-dire à lui-même : « Reste à examiner la figure du chercheur en sciences sociales, qui élabore des connaissances, les met à l’épreuve. Il fait du terrain, il enquête, il travaille en bibliothèque, traite des données, sans être soumis à l’actualité, ni même aux exigences du court terme. Son savoir n’est jamais exactement ce qu’attendent des responsables politiques, pour qui les contraintes immédiates pèsent toujours lourdement. Son éthique, comme l’a expliqué Max Weber il y a près d’un siècle (dans ses conférences publiées en français sous le titre le Savant et le Politique), ne coïncide pas avec celle du politique, elle est de l’ordre de la conviction, et non de la responsabilité. » Donc, le chercheur en sciences sociales possède des convictions. Mais celles-ci font très mauvais ménage avec l’objectivité propre à la recherche scientifique : avoir la conviction que le soleil tourne autour de la terre n’est pas vraiment la meilleure manière d’aborder la question des corps célestes. En fait, Wieviorka trahit complètement l’esprit de Max Weber : bien loin de faire l’éloge de la conviction chez les chercheurs en science sociale, celui-ci défendait l’impératif de leur « neutralité axiologique ». Si la politique existe, c’est parce que les conflits de valeurs sont irréductibles et imposent en dernier ressort la décision en faveur de telle ou telle réalité souhaitable. Mais ce domaine-là est ou devrait être séparé de la science, qui se contente d’observer et d’ordonner les faits. Comme l’écrit Max Weber : « L'impossibilité de se faire le champion de convictions pratiques "au nom de la science" - hormis le seul cas qui porte sur la discussion des moyens nécessaires pour atteindre une fin fixée au préalable - tient à des raisons beaucoup plus profondes. Une telle attitude est en principe absurde parce que divers ordres de valeurs s'affrontent dans le monde en une lutte inexpiable. »

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