21.8.08

La lutte pour la surexistence (5)

Le désir procède du plein et non du vide, de l'excès et non du manque, de l’objet trouvé et non de l’objet perdu – il faut le dire et le rappeler avec Calliclès, Spinoza, Nietzsche, Deleuze, à rebours des métaphysiques de l’antériorité ou de la verticalité, à rebours des sagesses de la modération ou de la répression, de Platon ou Epictète à Montaigne ou Freud. Pour le vivant, le désir est le commencement : le manque ne vient qu’ensuite, lorsque le déséquilibre se crée entre l’organisme désirant et son monde désiré, entre l’existence actuelle et les existences potentielles, entre le plan d’immanence déployé et les forces de résistance opposées. La surexistence a pour seul horizon l’avenir, elle se tient dans la tension par laquelle le désir oriente au présent la construction d’un état futur, opérant une sélection parmi l’ensemble des mondes possibles, assurant par là même la mutation permanente du monde réel. Et cela dans l’ordre biologique depuis la réplication primitive des particules ARN, qui sont toujours quelque part en nous, égoïstement logées dans notre génome. Le « mystère de la conscience » devient alors : l’infinité des mondes possibles à l’intérieur de l’organisme, l'existence démultipliée par sa représentation immédiate des états futurs (notamment la mort), le mouvement vers la surexistence, donc. Le langage a surtout servi à nous tromper sur la portée de cet événement, à lui inventer des clôtures, lui imposer des limites, lui donner des ordres. Mais nous ne réprimons jamais un désir que pour et par un autre plus fort que lui.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Quand Charles se fait Baudelaire ...

Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne,
O vase de tristesse, ô grande taciturne,
Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues
Qui séparent mes bras des immensités bleues.

Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme après un cadavre un choeur de vermisseaux,
Et je chéris, ô bête implacable et cruelle !
Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle !