9.8.08

La lutte pour la surexistence (2)

La lutte pour la surexistence apparaît clairement dans ce qui a été nommé économie du potlatch, du don et du contre-don (Marcel Mauss), économie de la dépense (Georges Bataille), économie du luxe, du loisir et de l’apparât (Thorstein Velblen) ou encore économie libidinale (Jean-François Lyotard). Et aussi bien dans l’économie des valeurs subjectives, de l’école autrichienne. Dans tout cela, une évidence : l’homme ne travaille pas pour satisfaire ses besoins, comme une fourmi ou un termite, mais pour accomplir ses désirs au-delà de la satisfaction de ses besoins. L’économie n’existerait pas sans le principe de manque qui la fonde, sans la plus-value existentielle dont elle est la promesse – la surexistence l’oriente tout entière, c’est-à-dire la possibilité du luxe au-delà de la nécessité, de l’excès au-delà de la mesure, de l’abondance au-delà de la subsistance. Et cette tension vers l’exubérance et la puissance matérielles, jadis réservée aux classes supérieures mais aujourd’hui généralisée, ne peut être comprise qu’en référence à des éléments non économiques de la nature humaine.

5 commentaires:

Vince a dit…

il me semble au contraire que la tension dont vous parlez est directement liée aux "éléments non économiques de la nature humaine". Qui ont été "greffés" bien avant l'apparition du système économique actuel il me semble : les croisés étaient bien contents d'avoir la bénédiction du pape, cela leur permettait facilement d'excuser les pillages et les invasions - pour prendre un exemple qui parle.
Quant à l'abondance dont vous parlez, la fin programmée des ressources fossiles finira bien par l'achever, et avec elle le système tout entier, drogué de pétrole jusqu'à plus soif avec les conséquences que tout un chacun peut observer sur son écran de télévision. (je reconnais que mon discours est partisan - comme le votre d'ailleurs.)

Donc je repose ma question : de quels éléments parlez-vous ?
Vous l'aurez compris : je ne suis pas vraiment d'accord avec vous ;)

C. a dit…

Sur le premier point, nous sommes d'accord : je précise bien que "cette tension (...) ne peut être comprise qu’en référence à des éléments non économiques de la nature humaine".

Sur le second point, la fin du pétrole n'est pas tout à fait celle du charbon et du gaz. Et au-delà, je doute que l'énergie manque sur terre. Même si l'on devait se serrer la ceinture le temps d'une transition, ce n'est pas le poste énergétique qui sera le plus défaillant à long terme.

Sur le troisième point... eh bien j'y réfléchis, la "lutte pour la surexistence" est un concept que je creuse de manière fragmentaire, selon ma méthode d'écriture ici. Disons que l'économie cristallise un certain ordre du désir, mais lequel, cela reste à préciser. Peut-être d'ordre sexuel, mais pas seulement, il faut réfléchir à ce qui distingue les sociétés paléolithiques des autres (cf. par ex. Marshall Sahlins sur l'autolimitation économique de certaines sociétés humaines, mais aussi Clastres dans le domaine politique : un noeud évolutif à creuser).

Vince a dit…

erreur de ma part (j'aurais du me relire), et donc "il me semble au contraire que la tension dont vous parlez est directement liée aux éléments économiques de la nature humaine". Ambition, cupidité ? quelques "sonorités" religieuses qui me déplaisent... bah, qu'importe le mot.

second point : effectivement il reste encore beaucoup de charbon. pour le pétrole, ça sera en revanche difficile de remplacer les superpuits actuels, bientôt sur le chemin du déclin.
(Ce lien permet par exemple de constater toute la difficulté de l'offshore en eaux profondes :
http://www.ifremer.fr/
drogm/Realisation/Vulgar/
petrol.htm)

C. a dit…

Quand je dis "motivation non économique", je fais en réalité référence aux modèles traditionnels (= Aristote par ex.) ou classiques (= Smith par ex) de l'action économique. On peut faire une description rationnelle de cette action, mais elle me semble alimentée par des passions, que l'on nommera vertueuses ou vicieuses selon sa propre échelle de valeur (mais cette échelle est indifférente au phénomène). Et en dernier ressort, je réfléchis à une approche évolutive où l'origine et le succès de ces motivations trouvent sens - leur cristallisation dans l'économique est secondaire, comme la cristallisation d'autres motivations dans l'éthique l'est aussi, c'est d'abord ce que ces motivations représentent en terme de survie / reproduction du gène, de l'individu, du groupe qui sera parlant.

(Je laisse tomber le pétrole et l'énergie, c'est trop vaste pour une discussion en commentaires).

Vince a dit…

eh bien bon courage dans votre recherche de sens au sein de la "motivation économique"...

sinon d'accord avec vous, l'énergie est un sujet très "spéculatif" de toute façon, tellement de paramètres...