25.8.08

Dans les plis et replis du cortex

On sait que le cerveau de notre espèce a gagné en volume au cours de l’hominisation. Une des caractéristiques anatomiques est en la gain en convolution, c’est-à-dire le fait que le cortex se développe en plis et replis (gyrencéphale) plutôt qu’en surface lisse (lissencéphale). Des travaux phylogénétiques ont montré, chez les primates, que plus le cerveau est volumineux, plus il est circonvolué de la sorte. Ces replis sinueux sont aussi appelés des gyres. Les facultés cognitives supérieures de l’homme, et notamment l’intelligence, sont-elles associées à cette circonvolution corticale ? On a rapporté l’intelligence (au sens psychométrique : facteur g) à divers traits neurobiologiques auxquels elle est (faiblement à chaque fois) corrélée positivement : taille du cerveau, volumes de diverses régions subcorticales, épaisseur du corps calleux, volume de tissus intracrânien (matière grise et matière blanche). Mais jamais aux circonvolutions ou gyrifications corticales.

Une équipe germano-américaine a utilisé une nouvelle technique d’imagerie cérébrale qui permet de mesurer, sur des milliers de points de surface, le degré de gyrification ou convolution du cortex. 30 hommes et 35 femmes en bonne santé, dont on a mesuré au préalable le QI (total, verbal, performance), se sont donc prêtés à un examen des plis et replis de leur surface corticale. Aucune corrélation négative n’a été trouvée. Une corrélation positive a en revanche émergé entre la section postérieure externe du gyrus cingulaire gauche, à la jonction du lobe occipital et du lobe temporal médians (la zone rouge dans l'hémisphère gauche LH de l'illustration ci-dessus). Ce résultat n’est pas évident à interpréter. On pourrait supposer qu’une gyrification plus prononcée dans une aire corticale donne simplement plus de surface, donc plus de neurones. Mais divers travaux ont suggéré que l’intelligence n’est pas spécialement associée au nombre absolu de neurones, ni à la consommation totale en glucose (mesure de l’activité neurale), ce qui implique que les personnes intelligentes utiliseraient mieux leurs neurones, plutôt que d’en mobiliser beaucoup. Les circonvolutions dans l’aire observée pourraient être associées à une meilleure connectivité des réseaux neuronaux, mais une analyse anatomique serait nécessaire pour le confirmer. Autre point : de précédents travaux ont montré des corrélats anatomiques avec d’autres régions cérébrales que le lobe médian temporo-occipital ici mis en valeur (lobe préfrontal latéral, temporal inférieur, occipital). On avait néanmoins suggéré que ce lobe médian temporo-occipital est une zone de convergence entre les informations visuelles et linguistiques, et pourrait comme tel être associé de manière plus directe aux différences interindividuelles dans la rapidité et l’efficacité de traitement de ces informations. Enfin, concernant le dimorphisme sexuel, les femmes présentent une gyrification plus prononcée dans les lobes frontaux, mais la seule différence significative d’avec les hommes est une corrélation positive entre les circonvolutions de l’aire préfrontale droite (BA 10 de Brodmann), le QI verbal et le QI total (mais pas le QI performance). Les participants présentaient cependant le même QI verbal moyen, ce qui suggère que cette différence anatomique latéralisée indique sous-tend peut-être des stratégies neurocognitives différentes pour les mêmes tâches.

Référence et illustration :
Luders E. et al. (2008), Mapping the relationship between cortical convolution and intelligence: Effects of gender, Cerebral Cortex, 18, 2019-2026, doi:10.1093/cercor/bhm227

(L’article peut être chargé en [pdf] sur la page du Structural Brain Mapping Group, Département de psychiatrie, Université d’Iéna)

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