21.8.08

Gare aux belles images de cerveau

Dans une amusante expérience, Deena Skolnick Weisberg et ses collègues (département de psychologie de l’Université Yale) ont présenté des récits sur des phénomènes psychologiques à trois groupes (« naïfs », « novices » étudiants en neurosciences, « experts » diplômés en neurosciences). Chaque récit était déployé en quatre possibilités : avec une bonne ou avec une mauvaise explication du phénomène (x2), avec ou non des termes savants et des images cérébrales issues des neurosciences (x2). Le matériel neuroscientifique était sans rapport logique ou factuel avec le phénomène expliqué. Les trois groupes ont préféré les bonnes aux mauvaises explications, les experts étant meilleurs que les novices, et les novices que les naïfs. Mais les naïfs comme les novices ont en moyenne trouvé l’explication meilleure lorsqu’elle était assortie d’arguments ou visuels neuroscientifiques. Et les naïfs ont surtout été trompés par ces éléments, les fausses explications étant nettement mieux acceptées en leur présence. Plusieurs interprétations peuvent être avancées. De précédents travaux ont montré que plus on multiplie les détails (non pertinents) dans une explication, plus il est difficile de synthétiser l’information utile et de repérer les biais logiques ou erreurs factuelles. Il est aussi possible que le grand public, au moins dans les sociétés modernisées, soit sensible aux explications réductionnistes selon lesquelles des phénomènes visibles peuvent être interprétés comme le produit de phénomènes plus élémentaires, invisibles, c’est-à-dire que le niveau supérieur se comprend par les lois régentant le niveau inférieur. Voir des zones cérébrales s’allumer dans un cerveau appuierait ce penchant réductionniste. Le biais peut être encore dû plus simplement à l’effet-jargon, selon lequel des termes compliqués ou spécialisés induisent une certaine confiance ou un certain respect chez le non-initié. Quoi qu’il en soit vous êtes prévenu : si vous lisez un article ou un communiqué –pourquoi pas un post sur ce blog – exhibant une belle image de cerveau, soyez deux fois plus attentifs sur la qualité des informations fournies. Je ne pense pas faire injure à mes amis chercheurs en observant que certaines annonces « sensationnelles » à destination de la presse sur les « progrès décisifs » ou « découverte originale » dans tel ou tel domaine ne sont pas aussi extraordinaires qu’on voudrait bien le penser. Et qu’une iconographie gracieusement jointe permet néanmoins à cette information de mieux circuler.

Illustration : cerveau d’un patient atteint d’adrénoleucodystrophie (source). Cela n’a bien sûr rien à voir avec l’objet de cet article.

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