14.8.08

Note sur la coopération

Des gènes qui coopèrent dans les génomes, des chromosomes qui coopèrent dans les noyaux, des cellules qui coopèrent dans les organismes, des organismes qui coopèrent dans les sociétés… il ne fait aucun doute que la coopération est une stratégie retenue par le vivant, génératrice de diversité et de complexité. On est tenté d’appliquer cela à l’histoire humaine par analogie, de voir cette histoire comme un progrès depuis la coopération étroite des tribus primitives jusqu’à la coopération élargie des Etats modernes. Je n’adhère pas tellement à ce point de vue. Si l’on regarde les témoignages de l’anthropologie, les sociétés paléolithique de chasseurs-cueilleurs paraissent plus coopératives que les sociétés modernes de producteurs-consommateurs : elles développent une approche très égalitaire pour ce qui concerne la collecte et le partage des ressources, les soins aux enfants ou la participation aux conflits. Le dynamisme des activités humaines résulte plutôt de la coopération compétitive : non pas seulement se fixer un but commun (la réponse à une contrainte, la satisfaction d’un besoin, la réalisation d’un désir), mais accepter plusieurs manières d’atteindre ce but et observer celles qui y parviennent le mieux. Pour cela, il faut que l’obligation de coopérer soit assouplie et assortie d’une possibilité de rivaliser.

Autre point : la coopération n’est pas retenue dans l’évolution pour ses vertus morales, mais parce qu’elle accroît la fitness relative des populations de coopérateurs par rapport aux populations de défecteurs sur le long terme, ou bien encore des interacteurs altruistes par rapport aux interacteurs égoïstes au sein d’une population. Dans le cas de l’humanité s’ajoute le problème de la conscience : les coopérations non-humaines sont non-conscientes, et cela facilite les choses. Co-opérer, cela signifie d’abord travailler avec quelqu’un (co-operare) , et les humains préfèrent choisir ceux avec qui ils travaillent s’ils en ont le choix. Et pour cause : le partage des fruits de la coopération dépend de la contribution de chacun à ces fruits, et un coopérateur très productif s’estime vite lésé s’il travaille avec d’autres peu productifs. C’est un des problèmes, à mon sens, de certaines simulations de la théorie des jeux pour formaliser l’évolution ou la psychologie de la coopération chez l’homme. Elles partent sur une dotation initiale, ou bien sur un gain potentiel / réel dans la situation du jeu. Mais cette dotation et ce gain reflètent-ils vraiment le rapport que l’homme entretient avec le fruit de son travail ? J’en doute un peu. Si vous avez une dotation de 100 comme condition initiale d’un jeu, par exemple, les 100 en question n’auront pas la même valeur s’ils résultent d’un effort précédent pour les accumuler ou d’un « cadeau » de l’expérimentateur.

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