12.8.08

Les mots pour le dire

Une conséquence de la société de l’éducation et de l’information : la difficulté grandissante à trouver un langage commun. Parle-t-on de la même chose quand on emploie le même mot ? Nietzsche disait que « chaque mot est un préjugé », je préfère l’idée que chaque mot a sa trajectoire dans chaque esprit, trajectoire qui est certes fonction de nos préjugés, mais aussi bien de nos expériences et de nos connaissances. Or de cette fonction, la surabondance de l’information produit autant de dérivées, et sur un même mot les trajectoires s’écartent. Les possibilités de langue commune tendent à se calquer sur la réalité des vies communes dans l’espace de l’information, mais ces communautés de locuteurs se restreignent en nombre en même temps qu'elles se multiplient – quand elles s’élargissent, c’est plus souvent le signe d’un malentendu. En dessous d'une langue commune, fonctionnelle et appauvrie grouillent ainsi des langues singulières, existentielles et enrichies, où les mêmes mots ne connotent plus les mêmes états d'esprit ni de décrivent les mêmes réalités. Le point important à long terme ne me paraît pas l'unification du langage véhiculaire, mais cette disjonction des langages identitaires.

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