22.9.08

Retour sur les zombies

Dans un post ancien de son blog fort intéressant sur la philosophie de l’esprit, François Loth posait la problématique des zombies. Je l’avais évoquée rapidement dans la recension du dernier essai de Daniel Dennett traduit en français. Et on peut aussi consulter cette page (anglaise) de l’Université Stanford. Je reviens sur cette question car elle exprime assez bien mon incompréhension face à certains développement de la philosophie cognitive.

Dans l’hypothèse du zombie, on nous demande de juger le point suivant : soit un zombie qui possède exactement les mêmes propriétés physiques et comportementales que nous autres humains, mais qui ne connaît par ailleurs aucun état conscient (aucune intentionnalité, aucun quale). Un tel zombie est-il logiquement ou métaphysiquement concevable ?

Ma réponse est assez simple : non. Et mon incompréhension vient de ce que ce simple «non» a fait couler énormément d’encre philosophique.

Ma réponse négative provient des conclusions de 150 ans de recherches en neurosciences. Celles-ci ont montré qu’un état neural N (ou un ensemble E d’états neuraux) est la condition d’un état mental M. Si un individu est privé d’un état neural spécifique à la suite d’une lésion ou d’une pathologie, il sera privé de l’état mental correspondant. Ainsi, les annales de la neuropathologie sont pleines de sujets étranges, qui ne sont certes pas des zombies, mais qui ne distinguent néanmoins du commun des mortels : ils ne savent pas reconnaître des visages, des mots, des objets, des plans de l’espace, les couleurs, des phrases, des sensations, des émotions ou encore des parties de leur corps (on parle d’agnosies pour ce genre de trouble). A chaque fois, ils souffrent d’une lésion cérébrale ayant atrophiée la zone fonctionnelle du cerveau spécifiquement dédiée à cette aptitude perceptive, sensitive ou cognitive. Oliver Sacks (L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau) ou Vilayanur Ramachandran (Le cerveau, cet artiste) en ont décrit quelques cas célèbres, et ils sont systématiquement mentionnés dans les manuels (par exemple Eric Siéroff, La neuropsychologie. Approche cognitive des syndromes cliniques).

Les individus cérébrolésés sont une partie de l’histoire. Depuis une trentaine d’années, on peut observer le cerveau des sujets normaux dans toutes les conditions connues de la conscience (éveil et rêve, sensation, réflexion, mémorisation, etc.). On note qu’à tout état mental donné correspondent certains types d’états neuraux, éventuellement variables d’un individu à l’autre dans leur localisation ou leur intensité, mais le plus souvent comparables (des groupes ou noyaux de neurones dédiés à des tâches spécifiques, situés dans des zones précises, par l’exemple le thalamus, l’hippocampe, l’amygdale, les ganglions de la base, les différentes aires du cortex, etc. ; et des liaisons associatives en forme de réseaux entre ces noyaux neuronaux).

On pourrait objecter que ces travaux sont empiriques : de même que 100 cygnes blancs n’impliquent pas que tous les cygnes sont blancs, une somme d’observations ne permet pas d’inférer une proposition vraie. On trouvera peut-être un homme qui possède tous ses réseaux neuraux fonctionnels, mais affirmera ne ressentir aucun état mental comparable aux autres hommes. Là-dessus, on répondra : les sciences expérimentales (dont la biologie et la psychologie) sont logico-empiriques par nature ; elles produisent les meilleures théories et les meilleurs modèles disponibles au moment de leurs énoncés ; elles forment des propositions vérifiables / falsifiables plutôt que vraies. On peut donc jouer sur cette limite en se disant qu’il est possible d’imaginer l’existence d’un zombie, ce qui obligera la science à faire une théorie du zombie. Mais le zombie comme hypothèse conditionnelle n’est alors pas plus intéressant que n’importe quelle superstition ou croyance naïve : je peux aussi bien faire l’hypothèse qu’il existe des fées, des esprits malins, des extra-terrestres invisibles, des particules inconnues, un dieu omnipotent, des univers parallèles, etc. On ne voit guère comment ce genre d’expérience de l’esprit pourrait asseoir une critique féconde de notre exploration rationnelle de la réalité – sauf si elle suggère une certaine expérience de vérification de ses assertions, comme le fait toute hypothèse scientifique, mais ce n’est pas le cas du zombie (ni des fées, des esprits malins, de dieu, etc.).

Une seconde objection pas très éloignée serait : un état neural N est certes la condition d’un état mental M, mais rien ne dit que c’est la condition suffisante (outre, bien sûr, les stimuli du milieu interne et externe eux aussi associés à la survenue de l’état mental). Mon zombie pourrait être exactement similaire à moi du point de vue physique, mais il lui manquerait une condition X pour ressentir vraiment la douleur quand il met sa main au feu (ou autres qualia). Là encore, cette mystérieuse condition X n’apporte pas grand chose à la compréhension de la conscience. Dire qu’il existe une condition X différente des états neuraux observés et dire qu’il existe une âme sont par exemple du même niveau ontologique : soit la condition X est observable physiquement, soit elle ne l’est pas. En revanche, dire que nous ne connaissons pas toutes les conditions des états neuraux N nécessaires pour produire un état mental M ne pose pas de problème : c’est en effet l’enjeu d’une théorie complète de l’esprit que d’aller au-delà des corrélats neuraux et de comprendre les propriétés systémiques du cerveau. Pour donner une image, la conscience résulte des agencements neuronaux comme l’explosion résulte des explosifs et de la mise à feu ; pour comprendre l’explosion, il faut connaître la formule exacte du mélange explosif et la condition exacte de sa mise à feu ; une fois cela décrit et modélisé, on sait ce qui produit une explosion, comme on saura ce qui produit une conscience. C’est, me semble-t-il, un des objets de la neuroscience contemporaine.

En bref, considérer que le zombie est concevable signifie selon moi développer une intuition mystique ou métaphysique sur la nature de l'esprit, que l’on cherche ensuite à rationaliser sans prononcer les mots qui fâchent (dieu, âme, conscience immatérielle, dualisme esprit-matière). Pourquoi pas, je pars de l’intuition inverse : la clôture causale du réel (l’inexistence d’événements ou phénomènes sans cause physique) et l’inscription physique du mental. Selon la métaphore de l’explosion ci-dessus, on peut former une infinité de descriptions langagières d’une explosion et c’est ce que nous faisons habituellement de nos états mentaux. La littérature, le cinéma, l’art en général sont par exemple remplis d’observations et descriptions délicates sur toutes les nuances de l’état amoureux ; mais ces jeux de langage n’empêchent pas que l’état amoureux soit en dernier ressort un état physique (et chaque nuance une nuance physique), dont les effets seuls sont ainsi décrits.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'ai jamais compris ce qu'était un zombie, il semble que cela soit un truc magique vaudou. Est-ce que cela existe ou pas, aucune idée. J'espère pas!

Une amie voulait voir un fantôme, ils organisent des séminaires pour voir des fantômes, dans un château en Ecosse, pourquoi y a-t-il autant de fantômes dans les châteaux en Angleterre et en Ecosse, aucune idée. Bref, elle en a vu tellement, qu'à la fin, elle était complètement blasée. Une grand mère fantôme, est venue s'assoir sur son lit pendant la nuit, elle lui a répondu tranquillement, je suis désolée mais je suis trop fatiguée, à demain. Je peux vous donner l'adresse. Charles Muller dans un château envahi de fantômes, c'est un de mes grands fantasmes ésotérico post modernistes. A part cela, Edimbourg a tant de charme, et vous pouvez rapporter un beau cashmere pour pas cher.

Anonyme a dit…

Les zombis sont des victimes des houngans (prêtre vaudou) qui leur administreraient une drogue à base de tétrodotoxine, un poison puissant que l'on retrouve dans le tétraodon (poisson-ballon). Cette drogue serait administrée par contact avec la peau sous forme de poudre ou de liquide. En Haïti, on parle de « recevoir un coup poudre ». Elle donnerait à la victime toute l'apparence d'un mort par un arrêt complet apparent des fonctions vitales, tandis que le sujet resterait conscient et continuerait d'entendre ce qui se passe autour de lui.

Selon les sources[réf. nécessaire], le poison aurait un effet limité dans le temps ou pourrait être annulé avec un antidote. Le sorcier viendrait ainsi déterrer le corps de la victime et lui administrerait d'autres drogues hypnotiques, pour le réduire en esclavage.

Cette pratique, courante en Haïti et au Bénin, est interdite, mais elle perdure néanmoins, le vaudou étant une tradition ancestrale dans la culture de ces peuples[réf. nécessaire].

Des études ont été menées sur le sujet par le docteur Wade Davis de l'université de Harvard. Clairvius Narcisse est une victime de la « zombification » qui a pu témoigner.

Jusqu'au XIXe siècle planait la peur, dans les populations d'Europe centrale, d'un retour des morts ; c'est pourquoi lors de la veillée des morts, il était courant d'assommer le mort supposé si celui-ci se levait du lit de mort. Étant donné que les méthodes pour constater la mort étaient très incertaines, cette pratique était très fréquente[réf. nécessaire].