4.9.08

Dictature de la tolérance ?

Dans Libération, Pierre Zimmer se plaint de la « dictature de la tolérance » : « De nos jours, ça peut paraître un peu paradoxal mais on est sous le joug de la dictature de la tolérance. Il faudrait à tout prix être tolérant. Tolérant avec tout le monde, à tout moment et sur tous les sujets. Et au nom de quel impératif catégorique ? On se doit d’être et de faire dans l’affectivement correct. Ce n’est pas seulement fatiguant. C’est intolérable. (…) Cette tolérance sans borne est tyrannique. Elle peut être aussi néfaste que les méfaits de l’intolérance. Si tout est tolérance, alors rien n’est tolérance. Non, j’ose l’affirmer, la tolérance n’est pas obligatoire ; elle se mérite. Non seulement il faut être dans de bonnes dispositions d’esprit mais il faut aussi en avoir envie. Et en plus la tolérance requiert la réciprocité. (…) Nous vivons désormais dans la dictature de la tolérance. Monde du travail ou de l’entreprise, sphère privée, domaine social ou politique, ici, chacun, responsable, salarié, citoyen, homme politique, parent d’élève, enseignant est confronté à cette question lancinante : jusqu’au tolérer l’intolérable ? Quels sont nos repères ? Quelle attitude adopter ? Comment peut-on être tolérant, alors que du soir au matin nous sommes assaillis de règles, d’interdits et de codes tous issus de la pensée unique et grégaire ? C’est pourquoi je préconise une intolérance de bon aloi, non celle des fanatiques mais celle des exigeants envers les autres et soi-même. Une manière d’être au monde, garante d’un vivre ensemble salvateur ! (…) Fausse tolérance ou pseudo-tolérance qui nous impose d’accepter tout et n’importe quoi. En conservant notre capacité d’indignation, il est vital de s’insurger contre ce diktat. Haro sur les adeptes tièdes du bien penser ! A force d’être trop tolérant, on tue la tolérance et la démocratie. D’où l’impérieuse nécessité d’être intolérant ! Ce besoin d’intolérance, réfléchie et combative, voire vertueuse, est un vibrant appel à la désobéissance ! »

Je veux bien entendre ce discours… à la condition importante de préciser qu’il n’est qu’un discours privé. C’est-à-dire que l’intolérance en question concerne en fait la possibilité qu’a chacun de discriminer ce qu’il juge bon ou mauvais, admirable ou méprisable, digne ou indigne, et de l’appliquer à lui-même ou aux autres dans les seules limites de sa sphère privée (sa propriété). Le problème que Zimmer ne semble pas entrevoir, c’est que l’intolérance se marie volontiers avec les formes les plus idiotes, les plus fausses et les plus haineuses de l’étroitesse d’esprit, et surtout qu’elle ne distingue pas entre sa composante réflexive / défensive (je n’aime pas ceci ou cela, je le pense et je le dis, je m’en prémunis pour moi-même et les miens) et sa composante extensive / agressive (je vais détruire ou interdire ou persécuter ce que je n’aime pas chez les autres). Hélas, non seulement le primate humain a le cerveau câblé pour développer diverses phobies, mais aussi pour croire que ces phobies suffisent à légitimer la vindicte collective contre leur objet. Ce primate-là, je préfère le voir en cage s’il passe à l’acte. Ce doit être ma forme d’intolérance.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

La dictature de l'incompétence, elle cogne pas mal aussi dans beaucoup de domaine. Le politique en premier lieu.