19.9.08

Rationalisme et relativisme

Je lis en ce moment le livre fort intéressant de Jacques Bouveresse, Peut-on ne pas croire ? Sur la vérité, la croyance et la foi. L’auteur y critique notamment le relativisme des « post-modernes » qui, en affirmant que tous les discours ont le même degré de vérité (ou même que la vérité n’existe pas), et en critiquant comme adversaire principal la modernité rationaliste, ouvriraient grande la porte au retour du religieux.

Ce qui me gêne dans ce type de discours, c’est la supposée incompatibilité entre rationalisme et relativisme. Cela tient à mon avis à une ambiguïté sur la notion de relativisme. Dans mon esprit, celui-ci consiste simplement à poser que les individus sont libres en dernier ressort de définir comme ils veulent le vrai, le bon, le beau, etc. C’est un principe général : l’homme ne naît pas avec l’obligation de souscrire dans son existence à tel ou tel discours établi, qu’il soit scientifique, religieux, idéologique ou autre. Mon relativisme ressemble plutôt à un pluralisme dans le domaine politique, éthique et esthétique ; et à un anarchisme dans le domaine épistémologique et ontologique. L’important est que ce relativisme ne prétend pas juger les contenus des propositions individuelles, simplement statuer sur la possibilité (infinie) de définir ou reconnaître les contenus propositionnels de son choix.

Mais un tel relativisme est parfaitement compatible avec une sélection personnelle opérée parmi les discours disponibles du vrai, du bon, du beau, etc. En tant que rationaliste, par exemple, je n’ai aucune difficulté à poser que les propositions magiques, mystiques ou métaphysiques sont soit vides de sens (car n’ayant aucune référence dans le réel) soit fausses (quand elles prétendent expliquer certains éléments du réel dont les références sont partagées par tout le monde). Et j’ajoute volontiers que les individus souhaitant réellement vivre sous le régime exclusif de telles propositions sont des idiots ou des fanatiques, dont le mode de pensée sera incapable d’améliorer sensiblement leurs conditions matérielles d’existence. Ayant dit cela, je n’ai pas failli à mon rationalisme, mais je n’ai pas pour autant renié mon relativisme : s’il existe des idiots ou des fanatiques, s’ils estiment détenir le vrai, qu’ils agissent, pensent, vivent et meurent en conformité avec leur idéal, cela sera une expérience humaine comme une autre, que l’on jugera à ses fruits. Tant qu’ils nuisent à eux-mêmes et non à autrui, cela m’indiffère totalement. Je pense que cette indifférence n’existe pas chez ceux qui opposent rationalisme et relativisme : par compassion envers autrui ou par foi dans la raison, ils ne conçoivent pas qu’une partie des humains soit abandonnée à ses diverses erreurs. Mais cette compassion et cette foi ne sont plus rationnelles… et cette posture n’est donc plus rationaliste à mes yeux.

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