14.9.08

Dérives depuis le cas Soubirous

Puisqu'il faut concilier la raison et la foi, et que notre hôte Benoît XVI vient de prononcer son discours à Lourdes, on peut s'interroger sur le cas Soubirous. Soit la Vierge est apparue à l'enfant le 11 février 1858, et 17 fois les mois suivants, soit elle n'est pas apparue. La première hypothèse implique de croire qu'une femme morte 1800 ans plus tôt en Palestine a pu resurgir dans une grotte des Pyrénées. En l'état de nos connaissances, ce n'est pas une hypothèse rationnelle, ni même très raisonnable. Indépendamment de la croyance, on peut observer qu'il y avait déjà eu des « apparitions » de la Vierge non loin, que les « dames blanches » et autres fées près des sources font partie du folklore préchrétien pyrénéen, que Bernadette était analphabète, malnutrie, asthmatique et souffrait de retard de croissance, que les apparitions ont coïncidé avec son entrée en puberté, qu'elles arrivaient à point nommé pour appuyer le dogme tout frais de l'immaculée conception (1854), etc. On doit donc supposer que la seconde hypothèse est exacte, et que Bernadette Soubirous souffrait d'hallucination (sous-hypothèse 1) ou affabulait (sous-hypothèse 2). Les éléments de fait la concernant plaident plutôt pour l'hallucination. Les hallucinations sont non seulement fréquentes en psychiatrie et neurologie, mais elles peuvent très bien concerner un sujet mentalement sain (privations sensorielles, hypnagogie, consommation volontaire ou accidentelle de certaines substances psychotropes, etc.). La constance de l’hallucination lors d’épisodes répétés (même forme, même voix pour la Vierge à Lourdes) plaiderait plutôt en faveur d’un délire paranoïaque.

Quoi qu’il en soit, on ne peut considérer que les apparitions virginales et guérisons miraculeuses, à Lourdes comme ailleurs, font partie de la dimension rationnelle du message catholique. Dès le départ, le cas Soubirous se présente d’ailleurs comme un exemple de religiosité populaire : ce sont les attroupements de plus en plus massifs des paysans autour de la grotte où se rend la jeune paysanne qui attirent l’attention des autorités religieuses. Et celles-ci sont d’abord circonspectes. Le cas Soubirous s’inscrit donc dans la dimension superstitieuse et magique de la foi, à faible valeur cognitive mais à forte attraction émotive, capable de séduire des foules ne se posant pas trop de questions métaphysiques (intellectuelles en général), mais sensibles au halo de mystère et de surnaturel. Bien que le pape Benoît XVI soit réputé « intellectuel », il est intéressant de noter qu’il a choisi de passer plus de temps à Lourdes en compagnie des pèlerins qu’à Paris en compagnie des représentants de la politique et de la culture. Il poursuit en cela la stratégie « populaire » et médiatique de son prédécesseur, Jean-Paul II. Dans le même temps, les textes et discours de la papauté insistent sur la nécessité pour le fidèle d’exprimer sa foi sans peur ni honte, mais aussi de participer aux débats politiques et éthiques de la Cité. J’analyse cela comme l’achèvement de la transmutation moderne du catholicisme : après avoir d’abord campé sur un raidissement doctrinal antimoderne entre 1850 et 1950, les autorités catholiques ont fini par reconnaître le caractère inéluctable de la modernisation. Depuis Vatican II, on assiste au retour de balancier et à la transformation du catholicisme en idéologie politico-morale souhaitant peser plus directement sur les choix de sociétés. Il ne s’agit certes pas de revenir sur la laïcité ou la séparation de l’Église et de l’État, mais de développer un point de vue catholique sur les affaires du monde et d’enjoindre les fidèles à porter ces valeurs. Benoît XVI, comme Jean-Paul II avant lui, n’hésite pas à parsemer ses messages d’avis concernés sur les problèmes sociaux, économiques, environnementaux de notre temps, de même que la religion a réussi à imposer son point de vue sur les questions bio-éthiques, le monothéisme marchant main dans la main avec un certain monohumanisme laïc pour poser des tabous et interdits conformes à ses dogmes.

Plutôt que s’attarder sur des symboles (anti)cléricaux, les athées devraint méditer ces transformations. Mais comme un certain nombre de ces athées partagent l’humanisme, l’universalisme, le misérabilisme et l’égalitarisme du message évangélique, ils sont peut-être plus à l’aise dans la posture esthétique de l’anticléricalisme que dans la défense intellectuelle d’une vision du monde pleinement guérie des virus chrétiens.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne suis jamais allée à Lourdes mais à Mexico. Le pouvoir de la pensée est immense, si des millions de pélerins se réunissent et pensent tous à la même chose, cela peut faire de l'effet peut être. Quand les gens voient la vierge, ils voient en fait une déesse. Qui est cette déesse? Est ce la vierge? Est ce une hallucination? Je ne croyais pas du tout aux anges, mais alors pas du tout, et quand mes parents sont morts, entre les deux enterrements, des anges sont venus me délivrer un message. Le truc, c'est que mon copain, qui était très rationnel et ne croyait pas aux anges non plus, les a vus aussi. C'était le matin, on avait pas bu, ni pris aucune drogue, même pas la veille. Cela n'a pas changé grand chose dans ma vie, mais lui après avait un peu tendance à tout croire. Je me méfie des gens qui ne croient en rien, car ce sont des proies faciles. Un bon medium peut lire dans une autre personne comme dans un livre ouvert. Et visiblement les dimensions parallèles existent. Les scientifiques ont cru pendant un certain temps que la terre était plate, maintenant ils croient que seul notre espace temps existe, c'est visiblement faux. Cela ne veut pas dire que TOUT existe, il faut garder à la foi un recul, un esprit le plus cartésien possible, mais en même temps, prétendre que tout ce qui est différent est une hallucination me semble une erreur scientifique, un postulat erroné. J'ai fait par la suite une recherche, on trouve des statues d'anges datant de plus de 2000 ans, et les anges existent dans pleins de religions, ce sont effectivement des messagers. Cela ne veut pas dire qu'il faut tout croire et n'importe quoi. Je me réjouis que les scientifiques s'ouvrent à d'autres dimensions et nous éclairent là dessus. Votre site est génial Charles, mais parfois il manque un peu de poésie et de fantaisie. Il manque un peu d'espoir et de magie. Cependant ce n'est pas le pape qui m'apporte le moindre espoir, l'église catholique n'est qu'une longue histoire de corruption et d'abus. Le culte de Marie est cependant un joli culte, et les lieux de pélerinage sont très vibratoirement forts malgré tout. Pourquoi? Je ne sais. Je suis très attachée aux énergies mariales.

Anonyme a dit…

Demain c'est la Sainte Hildegarde. Une sacrée nana.

Anonyme a dit…

Elle était née le 16 septembre. Elle aurait pu être sorcière, herboriste, ou scientifique, mais à l'époque en Allemagne, on devenait religieuse sans même l'avoir choisi. Une triste histoire d'un certain point de vue.

-Femme d’engagement, elle se bat pour que les filles reçoivent une éducation identique aux garçons, et comme la plupart des Abbesses de son temps administre de vastes domaines terriens tout en assurant la direction de ses sœurs et leur éducation.

On connaît moins ce qui fut le drame de son existence : sa séparation d’avec sa meilleure amie, une jeune religieuse, Richardis, qui l’assistait dans les divers travaux du couvent et la rédaction de ses livres. Au fil des années, elles deviennent inséparables au point que souvent les miniatures les représentent ensemble.

En 1151, l’archevêque de Brême, frère de Richardis, prend ombrage de cette amitié et décide de confier à sa sœur le monastère de Saxe afin de l’éloigner d’Hildegarde. Celle-ci cherche par tous les moyens à empêcher Richardis de quitter son monastère, allant même jusqu’à écrire au pape, qui refuse de contrecarrer la décision de l’archevêché local.

Richardis meurt l’année suivante. L’archevêque, responsable d’avoir séparé les deux amies, écrit alors à Hildegarde :

" Je t’informe que notre sœur, la mienne mais plus encore la tienne, mienne par la chair ; tienne par l’âme, est entrée dans la voie de toute chair [...] que tu lui gardes ton amour autant qu’elle t’a aimée, et s’il te semble qu’elle ait commis faute en quelque chose, de ne pas la lui imputer, mais à moi, tenant compte de ses larmes qu’elle a versées après avoir quitté ton cloître, comme beaucoup de témoins peuvent l’attester. Et si la mort ne l’en avait empêchée, dès qu’elle en aurait obtenu la permission, elle serait venue à toi ".

A la mort de son amie, Hildegarde, qui avait tant donné à l’Eglise ne pourra se garder de dire très haut sa rancœur envers l’institution à laquelle elle avait consacré son existence, envers les hommes de Dieu et ce Dieu-même.
Puis elle se laissera absorber jusqu’à sa mort par ses visions mystiques, loin des violences de ce monde, juste entourée du cercle des proches moines et moniales, de musique et d'extase.-