23.9.08

Lexique, syntaxe et évolution des mémoires

Dans une étude à paraître dans le numéro de septembre de Psychological Science (lien, anglais, pdf), Victor S. Ferreira et ses collègues ont comparé les capacités verbales de sujets amnésiques (4) et de sujets sains (4). Les premiers souffraient d’amnésie antérograde, soit une difficulté à enregistrer des faits nouveaux survenus après leur traumatisme. Les volontaires de cette étude ont passé un test de souvenir d’image (avez-vous vu cette image parmi d’autres projetées peu avant) et un test de souvenir de phrase (avez-vous entendu cette phrase parmi d’autres prononcées peu avant). Concernant les phrases initialement prononcées puis soumises en test de rappel, les chercheurs ont fait varier le contenu sémantique (les mots utilisés) et la forme syntaxique (la structure grammaticale), soit ensemble, soit séparément (par exemple, des phrases de même syntaxe mais avec des mots différents, de mêmes mots mais avec une syntaxe différente, différant à la fois par les mots et par la syntaxe). Résultats : les sujets amnésiques n’ont pas été capables de se souvenir des identités sémantiques, mais ils ont montré des réminiscences grammaticales par rapport aux premières phrases prononcées. On parle de «persistance syntaxique».

Partant de cette observation, Ferreira et ses collègues suggèrent que le langage humain fait appel à deux modules de mémoire assez différents : dans la mémoire déclarative/épisodique se trouve le lexique, dans la mémoire procédurale la syntaxe. La première mémoire est celle qui nous permet de construire des récits autobiographiques (les événements que nous avons vécus et les mots pour les nommer) ; la seconde correspond à un apprentissage de procédures et patterns de comportement, comme par exemple le fait d’apprendre (une fois pour toutes) à nager ou à faire du vélo. L’inscription de la syntaxe dans la mémoire procédurale permet de faire l’hypothèse que celle-ci s’inscrit dans une instance cérébrale plus générale, et évolutivement ancienne, d’aptitude à systématiser et coordonner des comportements. «La connaissance fondamentale sous-tendant l’aptitude syntaxique humaine – une des capacités les plus créatives connues dans la nature, et que l’on considère généralement comme dépendante d’une intelligence avancée et flexible – est modulée par un système spécialisé de mécanismes basiques de la mémoire, qui sont eux-mêmes présents même chez les organismes les plus simples».

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