28.9.08

Enchères, peur de perdre et syndrome Kerviel

Avec Ebay et quelques autres, le système des enchères est sorti des salles de ventes pour se démocratiser. Un aspect connu de ce type particulier d’allocation des biens est la tendance à surenchérir de manière excessive par rapport à la valeur réelle du bien, ce qui fait évidemment la joie des vendeurs. Une équipe de neuroscientifiques et d’économistes de l’Université de New York s’est penchée sur les ressorts de la surenchère, et publie ses travaux dans Science. Des volontaires ont participé à des jeux de loterie ou d’enchère pendant que leur cerveau était examiné en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. La principale différence observée ne se situe pas dans les situations de gains : c’est une suractivation des corps striés (striatum) en cas de perte aux enchères. Ces noyaux neuronaux situés dans la partie ancienne de notre cerveau modulent notamment nos actions motrices en fonction d’un « système de récompense ». Les chercheurs ont fait l’hypothèse que le ressort de la surenchère n’est pas tant la volonté de gagner que la peur de perdre en situation de compétition sociale. Les volontaires ont ensuite participé à trois autres jeux d’enchères aux règles légèrement différentes : enchères simples ; enchères avec bonus final (le vainqueur se voit récompensé de 15 dollars pour sa seule victoire, quel qu’en soit le prix) ; enchères avec bonus initial (tous les joueurs ont 15 dollars au départ, mais ils doivent les rendre s’ils perdent). Les deux derniers jeux sont stratégiquement identiques, mais le bonus initial accentue la crainte de perdre. Résultat : c’est à ce type de jeu (bonus initial) que les enchères ont grimpé le plus haut, suggérant que la peur de perdre joue un rôle significatif dans la tendance à miser toujours plus haut. Il ne reste plus qu’à examiner le striatum des traders ayant connu les plus grosses pertes dans les bulles financières, dont les spéculations haussières ne sont pas sans rappeler l’enchère : peut-être le « syndrome Kerviel » deviendra-t-il un nouvel élément de la nosographie du comportement économique.

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