30.9.08

Cerveaux et émotions morales

«Un agent fait du mal à une victime» : cet énoncé mobilise habituellement les émotions morales de l’être humain. Mais il peut être lu de diverses manières selon que l’agent / la victime implique soi ou les autres («un individu m’a fait souffrir», «j’ai fait souffrir quelqu’un», etc.). Une équipe française (Inserm, CEA, universités Paris Sud et Paris V) a analysé ce qui se passe dans le cerveau de 39 individus en bonne santé quand ils doivent se représenter ce genre de propositions. Leur travail est publié dans le Journal of Cognitive Neuroscience. Quand les autres sont impliqués, trois conditions se distinguent dans trois zones cérébrales (cortex préfrontal dorso-médian, prenuclus, jonction bilatérale paréito-temporale), correspondant à la représentation chez autrui de la culpabilité et de la colère, ainsi qu’à la compassion. Le fait d’être soi-même impliqué dans l’acte suractive des structures émotionnelles (amygdale, ganglions de la base, jonction cingulaire antérieure) dans le cerveau des sujets. D’un point de vue neurocognitif, le développement du sens moral impliquerait la capacité à ressentir des émotions et sentiments (comme agent) dans certaines situations et à la capacité à interpréter les états mentaux des autres agents, ainsi que leurs liens aux comportements, dans des situations comparables (la «théorie de l’esprit» comme l'appellent les sciences cognitives). Les règles morales seraient une rationalisation de ces attitudes, fondées sur leur régularité (tel type de situation provoque tel type de désagrément chez tel type d’individu de telle population : la règle anticipe la survenue de la situation dans la population). On remarquera qu’il s’agit là d’un aspect de la morale, répondant à une situation d’agression. Mais le sens moral humain a développé des codes allant bien au-delà de ce cas basique et régentant toutes sortes de comportement n’impliquant pas spécialement de nuisance à autrui. Par ailleurs, et comme toujours dans ce domaine en pleine expansion, c’est surtout les différences interindividuelles qui seront intéressantes à analyser : pour des raisons innées aussi bien qu’acquises, nos cerveaux ne réagissent probablement pas tous de la même manière aux mêmes situations.

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