29.9.08

D'un épiphénomène et de sa sélection

L’épiphénoménisme est l’attitude philosophique considérant que les événements mentaux sont produits par des événements physiques et n’ont, en tant que tels, aucun pouvoir causal sur la réalité physique (ou sur d’autres états mentaux). Thomas Henry Huxley, ami de Darwin et virulent défenseur du darwinisme, pouvait ainsi désigner l’homme et les autres animaux comme des « automates conscients ». A cela, Samuel Alexander avait opposé un argument que rappelle le philosophe Jaegwon Kim) : « [L’épiphénoménisme] suppose qu’il y a dans la nature quelque chose qui n’a rien à faire et qui ne sert à rien, une sorte de noblesse qui dépend du travail de ses inférieurs, mais que l’on garde pour le spectacle et qui pourrait aussi bien, et sans l’ombre d’un doute, être aboli le temps venu. »

Ce glissement est assez révélateur : de ce que le mental (nos sensations, croyances, désirs, etc.) serait dépourvu de pouvoir causal sur le physique, on déduit qu’il ne servirait à rien. Mais il y a au moins une utilité évidente n’impliquant pas de pouvoir causal : simplement indiquer les états physiques externes, et surtout internes. Comme la rougeur sur la peau indique la lésion sans en être la cause. Soit deux individus confrontés à un danger, dont les systèmes nerveux produisent une réaction différente d’alerte et d’attention : on peut faire comme hypothèse que celui dont la réaction est la plus vive aura plus de chance de survivre ; et que ce sera aussi celui qui aura exprimé / ressenti des états mentaux les plus expressifs corrélés à ses états neuraux. Ces états mentaux n’ont pas été la cause de sa fuite ou de son affrontement face au danger : ils accompagnent et signalent simplement son état physique (neural). Dans la mesure où ils s’expriment (notamment par le langage), ces états mentaux peuvent devenir l’objet d’une sélection adaptative, comme n’importe quel autre trait phénotypique non causal.

Si je dois résumer cette hypothèse, cela serait : les états mentaux, en tant qu'ils sont exprimables et observables, sont une condition de la sélection des états neuraux qui leurs sont associés, et c'est leur principal sens (ou utilité) dans l'évolution.

Référence :
Alexander S. (1920), Science, Time, and Deity, MacMillan, Londres, II, 8 ; cité in Kim J. (2008), Philosophie de l’esprit, Ithaque, Paris, 202.

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