21.9.08

Nudité du royaume des fins

Toute chose existe selon une fin : voilà une erreur de base de la pensée, un vice caché de la conscience, une illusion cognitive de l’espèce. Le cerveau humain produit des propositions où figurent des fins ; et de cela, il infère que tout existe de la même manière, que tout répond à une fin, à commencer par son existence bien sûr. Non seulement les trois derniers siècles d’enquête scientifique suggèrent qu’il n’en est rien, qu’ajouter des fins est inutile à la compréhension de la réalité et relève d’un acte de foi ; mais même ce que nous percevons comme nos « fins » conscientes expriment pour l’essentiel nos désirs inconscients. Que l’on regarde donc un cerveau humain fonctionner, plutôt qu’ânonner les mêmes généralités infalsifiables qu’ânonnaient nos ancêtres.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Et qu'est ce qu'une fonction ?

C. a dit…

C'est vaste. En philosophie de l'esprit (si cela renvoie à "fonctionner" dans le paragraphe), qqch comme un état mental ou un ensemble d'états mentaux mettant en relation des entrées sensorielles/sorties comportementales.

Anonyme a dit…

Effectivement, et si on considère qu'une sortie n'est pas tellement différente d'une fin, regarder le cerveau humain fonctionner n'est pas autre chose encore que d'étudier sa fin.

C. a dit…

Le problème est "pas tellement différente" : par quelles propriétés le comportement du discours fonctionnaliste et la fin du discours téléologique seraient identiques?

En fait, la cause finale du discours finaliste est souvent remplacée dans un discours physicaliste par la cause distale (évolutive) et la cause proximale (développementale). La cause distale pourrait ressembler à une fin : un comportement existe s'il est adaptatif, il est adaptatif s'il permet la survie ou la reproduction de l'acteur, la survie et la reproduction seraient donc les fins ultimes. Mais plusieurs problèmes de diverses natures :
- tous les comportements ne sont pas adaptatifs dans ce sens, beaucoup ne le sont pas du tout dans le répertoire humain ( ex : boire un verre d'eau plate ou un verre d'eau pétillante) ;
- il existe une évolution de l'environnement adaptatif faisant que l'adaptativité au moment t-1 n'existe plus à t (quand j'observe le comportement) ;
- le jugement post-hoc de l'évolution (=la sélection en cours et à venir) est généralement impossible à anticiper, de sorte que l'assignation d'une propriété adaptative au moment t est toujours une conjecture sur les conditions t+1.

Anonyme a dit…

Beaucoup d'entre nous "fonctionnent" (psychiquement parlant) comme si nous avions une fin, même si la fin n'était que nous-même.

En relisant vos anciens billets sur la surexistence, il me semble que la fin vers laquelle votre fonction vous fait tendre (asymptotiquement?) est la mutation continue vers une forme supérieure à la forme présente.

Ainsi que Mihály Csíkszentmihályi l'a proposé dans son livre sur le Flow, certains individus "autotéliques" trouveraient un sens de l'accomplissement en poursuivant un but qui leur est interne.

C. a dit…

(Epervier) Je ne connaissais pas Mihály Csíkszentmihályi, la distinction autotélie / hétérotélie me semble intéressante. Une forme "supérieure"... je ne sais pas :D Mais différente, oui. La surexistence s'inscrit en effet dans ce plan général.

Sur ce qui précédait, je précise tout de même : je suis plus "identitariste" (identité psychoneurale) que fonctionnaliste. Le fonctionnalisme me semble finalement un cas particulier du matérialisme identité : lorsqu'une certaine récurrence / régularité des identités psychoneurales permet de suggérer une loi causale spécifique intégrant le cerveau, l'individu et son milieu, loi que l'on tâche ensuite de vérifier. Certains de nos états mentaux sont fonctionnels en ce sens, d'autres non.

Aurel a dit…

TOut ce que vous racontez semble très compliqué très réfléchis, etc... mais faux.

Comment peut-on dire "les trois derniers siècles d’enquête scientifique suggèrent qu’il n’en est rien" ? Sur quelle découvertes scientifiques te bases-tu ?

Ceci semble tout simplement faux (après on peut faire des raisonnement très intelligent sur des hypothèse fausses...)

Il faudrait dire : "les enquêtes scientifiques d'il y a trois siècles suggèrent qu’il n’en est rien", parce que celles du siècle dernier suggèrent plutôt le contraire (voir par exemple Jean Staune : Notre existence a-t-elle un sens ?). Mais elles n'ont peut-être pas encore atteint les philosophes.