1.9.08

Prière de toucher

Les êtres humains se serrent la main, s’embrassent, se prennent le bras, se mettent la main sur l’épaule. Bref, ils se touchent, bien sûr entre familiers, mais parfois entre inconnus. Dans un classique (La dimension cachée), Edward T. Halla avait montré que tous les individus et toutes les cultures n’ont pas le même rapport au contact interpersonnel et au territoire d'intimité de chacun. Mais il s’agit néanmoins d’un trait répandu. Vera B. Morthen et ses collègues ont fait l’hypothèse que le toucher pourrait servir à renforcer l’altruisme, ou y inciter. 96 étudiants des deux sexes ont été divisés en trois groupes : deux recevaient un massage professionnel, le troisième non ; le premier et le troisième ont ensuite joué à un jeu de confiance (le donateur accorde une certaine somme d’argent à un bénéficiaire ; cette somme est triplée et le bénéficiaire en restitue au donataire une proportion de son choix). Les participants subissaient aussi une prise de sang après le massage. Résultat : le niveau sanguin d’ocytocine des joueurs massés a connu une élévation au cours de la situation de jeu, mais pas celui des massés non-joueurs ni des joueurs non-massés. L’ocytocine est une hormone hypothalamo-hypophysaire connue pour produire des comportements de confiance et d’attachement, ainsi qu’une baisse de l’agressivité ou de la fuite (elle est antagoniste de la vasopressine de ce point de vue). Les joueurs massés se sont montrés fort généreux, avec des dons 243 % supérieurs à ceux des autres en moyenne. Cette observation fait sens d’un point de vue évolutionnaire : on sait par exemple que les chimpanzés apaisent leurs querelles en se livrant à des séances d’épouillages mutuels, la stratégie du contact étouffant celle du conflit. Que les humains en soient encore à se toucher pour se faire confiance peut certes paraître un reliquat désuet de notre passé primate. Mais c’est aussi cela, l’Homo sapiens…

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