1.3.08
Vous avez dit contrôle ?
Beaucoup parlent de l’émergence des « sociétés de contrôle », mais l’objet de leur crainte ou de leur colère est généralement le capitalisme, c’est-à-dire les stratégies des entreprises pour manipuler et espionner les individus (producteurs, consommateurs). Fort bien, cette critique est nécessaire : la liberté individuelle doit se défier de tous les pouvoirs, l’arbitraire économique n’a rien à envier à l’arbitraire politique, il y a toujours un crâne d’œuf à chemise bleue et cravate sombre qui croit dominer le monde en pianotant sur son logiciel de gestion des ventes. Mais cette critique reste hémiplégique tant qu’elle ne se double pas d’une analyse du contrôle des individus par les États. Car c’est bien l’État qui me colle un nom, un sexe et un numéro à la naissance, qui multiplie les codes, les lois et les règlements pour me surveiller ou me punir, qui entend souvent faire mon bien contre mon gré et me dissuader de toutes sortes de comportements à risque, qui entérine subrepticement une morale majoritaire contre les opinions minoritaires. Ceux qui appellent au reflux du marché sans appeler d’un même mouvement au reflux de l’État restent les ennemis de ma liberté : je ne fais aucune confiance à leur discours critique du « contrôle ». Quant à ceux qui se félicitent implicitement du double contrôle étatique et marchand sur les individus, ce ne sont même plus mes ennemis : ce sont les membres d’un troupeau dont je suis étranger, les rouages d’une machine qui m’indiffère.
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