9.3.08

Génétique du bonheur

Le bonheur, cela ne se mesure pas. C’est ainsi que raisonne l’homme de la rue, mais pas le chercheur : la science expérimentale a besoin des mesures comme le poisson de son eau.

L’équipe d’Alexander Weiss (Université d’Edinbourg) a donc quantifié le bonheur de 973 paires de vrais et faux jumeaux sur une échelle standardisée de bien-être. Elle a ensuite analysé deux points : l’héritabilité de ce bonheur (la part de variance interindividuelle que l’on peut ramener aux gènes plutôt qu’au milieu) et sa corrélation avec les grands traits de la personnalité (les Big Five des Anglo-Saxons et l’OCEAN des francophones, c’est-à-dire ouverture à l'expérience, caractère consciencieux, extraversion, caractère agréable ou agréabilité, névrosisme ou neuroticisme). Résultats : une moitié environ de la propension à être heureux serait inscrite dans nos gènes plutôt que dans nos expériences de vie ; et il existe un facteur commun liant le bonheur au neuroticisme, à l’extraversion et au caractère consciencieux.

Étudier la part héréditaire du bonheur peut sembler incongru, mais ce n’est pas une initiative récente. Dans un travail très cité de 1996, Lykken et Tellegen avait déjà utilisé un questionnaire de bien-être auprès de 2310 jumeaux et conclu que l’héritabilité du sentiment subjectif de bien-être se situe entre 0,44 et 0,53, avec même 0,8 pour la composante stable de ce sentiment (n’évoluant pas au cours de l’existence malgré les différents contextes). Une conclusion finalement pas très étonnante, puisque nombre de troubles se traduisant par une conscience malheureuse (dépression, anxiété, stress) ont eux aussi une base héréditaire bien documentée par la génétique médicale.

Si nous ne sommes même pas égaux dans la poursuite du bonheur, qui va encore croire au grand rêves moderne ? Le désenchantement du monde continue décidément, même là où l’on ne l’attend pas…

Références :
Lykken D. et A. Tellegen (1996), Happiness is a stochastic phenomenon, Psychological Science, 7, 3, 186-189.
Weiss A. et al. (2008), Happiness is a personal(ity) thing: The genetics of personality and well-being in a representative sample, Psychological Science, 19, 3 , 205–210 doi:10.1111/j.1467-9280.2008.02068.x

Illustration : This is not a time for dreaming (2004), Pierre Huyghe.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ah ! Si les marionnettes pouvaient choisir ...