Les êtres vivants vieillissent, sans que l’on en connaisse exactement les raisons. Il existe de nombreuses données sur la matérialisation de la sénescence dans l’organisme, et quelques hypothèses concurrentes sur ses causes ultimes. Dans le cadre de la théorie de l’évolution, on peut prédire que le vivant s’est auto-organisé de telle sorte que les organismes parviennent à se reproduire, mais que rien n’a été prévu au-delà : il n’y a pas eu de sélection spécifique en faveur du maintien de l’organisme au-delà de sa reproduction, c’est-à-dire de son tribut personnel au fleuve du vivant.
On le voit chez l’homme : les grandes causes de mortalité (tumorales, cardiovasculaires, métaboliques) se déchaînent à partir de la cinquantaine, et elles sont parfois favorisées par les mêmes gènes qui avaient optimisé la croissance et le développement jusqu’à la vingtaine. Effet positif en deçà, effet négatif au-delà : on appelle cela la pléiotropie antagoniste. Au-delà des pathologies, nos cellules elles-mêmes ont pour la plupart un cycle de vie limité et cessent de se renouveler au bout d’un moment, entraînant l’affaissement et la nécrose des tissus. On peut prendre cela avec sagesse, se dire que chaque âge de la vie a ses vertus et que la mort donne son sens à la vie. Mais on peut aussi se dire qu’il serait quand même plus fun de rester en vie longtemps, très longtemps. C’est ce chemin que prend l’humanité, chez qui le fait d’avoir une conscience rend la mort plutôt inquiétante et la jeunesse assez désirable.
Quoi qu’il en soit, les biologistes tentent de percer les mystères du vieillissement en multipliant les analyses in vitro et in vivo de ses mécanismes. Des chercheurs ont examiné deux organismes très différents, un unicellulaire (levure) et un ver (C. elegans), deux habitués des laboratoires depuis quelques décennies. Le ver étant le mieux connu, les biologistes sont partis des 276 gènes déjà associés à la durée de vie des animaux. Ils ont retrouvé 25 gènes homologues chez la levure ; 15 d’entre eux sont également présents chez l’être humain — rappelons que la vie est parfois conservatrice, ou au moins opportuniste, c’est-à-dire qu’elle transmet les innovations intéressantes d’une espèce à l’autre au cours du temps ; c’est la raison pour laquelle nous partageons des gènes avec les bactéries, les mollusques ou les rongeurs.
Plusieurs de ces gènes concernent les voies de signalisation des protéines kinases TOR (target of rapamycin), connues pour gérer les facteurs de croissance et la disponibilité des nutriments. Cela confirme ce que l’on savait déjà : la diète joue un rôle important dans le vieillissement. Les animaux soumis à une restriction calorique ont une durée de vie accrue, et inversement. Mais on connaît aussi la blague de Woody Allen : « Pour vivre centenaire, il faut se priver de tout ce qui donne envie de vivre centenaire ». Pas sûr pour Matt Kaeberlein, l’un des auteurs de l’article : « Ce que nous aimerions, c’est être capable d’imiter les effets d’une restriction calorique avec un médicament. La plupart des gens n’ont pas envie de se mettre à un régime drastique juste pour vivre un peu plus longtemps. Mais un jour, nous pourrons obtenir le même effet avec une pilule ».
Référence :
Smith E.D. et al. (2008), Quantitative evidence for conserved longevity pathways between divergent eukaryotic species, Genome Res., advance online pub., doi:10.1101/gr.074724.107.
Illustration : Temps imparti / Eclipse, Jean-Bernard Métais (1999-2002)
13.3.08
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