26.7.08

Vieillissement : accident ou programmation ?

Pourquoi vieillir, et mourir enfin ? Cette question n’a rien d’évident pour la science, et les théories du vieillissement s’affrontent depuis quelques décennies. On trouve deux grandes hypothèses. Pour l’une, le vieillissement est la conséquence d’une accumulation d’adversités sur nos gènes, nos cellules, nos tissus. Les agressions permanentes des toxines, des radiations, des radicaux libres, du stress, des maladies finissent par user les organismes, jusqu’à un point de non-retour. Pour l’autre, qui ne nie nullement ces réalités, le vieillissement répond avant tout à une programmation génétique. Le problème : l’évolution suggère une pression sélective en faveur des gènes favorisant la survie et la reproduction ; ce qui se passe au-delà de la procréation et de la protection de la descendance jusqu’à son propre âge procréatif devrait se situer en dehors de la sélection naturelle, donc de la programmation génétique.

Une équipe de chercheurs dirigée par Stuart Kim (Ecole de médecine de l’Université Stanford) vient de se pencher à nouveau frais sur un des animaux favoris de la recherche en ce domaine, le ver nématode (Caenorhabditis elegans). En conditions normales, il ne vit que deux semaines. En conditions expérimentales, on est déjà parvenu à prolonger cette maigre espérance de vie, soit en modifiant sa nutrition, soit en intervenant sur certains gènes. Ici, les biologistes ont utilisé des puces ADN permettant d’analyser simultanément les variations d’expression de milliers de gènes au cours du développement, des plus jeunes aux plus âgés des vers nématodes. Ils ont observé que 1294 gènes varient ainsi en fonction de l’âge, et que trois facteurs de transcription (ELT-3, ELT-5 et ELT-6) sont responsables de cette expression liée au vieillissement. Comme le souligne Stuart Kim, « nos données ne coïncident pas avec le modèle de l’accumulation des dommages, et nous devons donc considérer le modèle alternatif d’une dérive développementale ». Certains gènes surexprimés dans la jeunesse (et profitables à l’organisme durant cette période) deviendraient sous-exprimés par la suite, en raison de changements programmés dans leurs mécanismes de régulation ne devant rien à une détérioration par l’usage.

Est-ce si étonnant ? Des tortues continuent à pondre après 100 ans, des baleines à nager après 200 ans, des palourdes à barboter après 400 ans : leurs organismes subissent comme les autres les dommages de l’environnement, ils n’en connaissent pas moins une longévité remarquable par rapport à d’autres espèces. Pourrons-nous un jour reprogrammer nos gènes afin d’imiter leurs exemples ? Nous n’en sommes pas là. Mais comme l’observe Mark Tatar (Université Brown), « le message à retenir est que le vieillisement peut être ralenti et géré par la manipulation des circuits de signalisation à l’intérieur des cellules ».

Référence :
Budovskaya Y.V. et al. (2008), An elt-3/elt-5/elt-6 GATA transcription circuit guides aging in C. elegans, Cell, 134, 291-303.

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