14.7.08

Le cerveau et ses systèmes de décision

On sait que la vie procède par des modifications graduelles, plus ou moins adaptatives dans l’environnement des organismes. Non seulement les populations et les espèces évoluent ainsi, mais c’est également le cas des grandes structures partagées par ces espèces, comme le système nerveux. Le cerveau humain est ainsi la résultante d’une longue évolution depuis l’apparition des premières cellules spécialisées dans le traitement de l’information, les neurones. Cela signifie que nous conservons dans notre cerveau des mécanimes adaptatifs anciens, correspondant à d’autres situations de vie que celle d’un Homo sapiens moderne, ou d’un Homo sapiens tout court. Voici quelques décennies, ces vues avaient été popularisées par le modèle des « trois cerveaux » de McLean : un cerveau reptilien ancien gérant des fonctions de base (comme la respiration ou l’appétit), un cerveau limbique et mammifère d’apparition plus récente, un cortex externe plus récent encore. Les travaux plus récents ont évidemment affiné ces représentations, en voyant le système nrveux comme une juxtaposition de modules spécialisés évoluant tous en parallèle. Mais le schéma général donne une bonne représentation intuitive du lointain passé évolutif enfermé sous nos crânes.

Dans un papier paru des Proceedings of the Royal Society, Pete C. Trimmer et ses collègues proposent un modèle des systèmes de prise de décision des cerveaux mammifères, et donc notamment humains. En partant d’une situation hypothétique rencontrée à de multiples reprises par nos ancêtres animaux (individu cherchant de la nourriture mais devant éviter un prédateur), ils suggèrent que le cerveau doit arbitrer entre des signaux de danger perçus par le thalamus (zone ancienne d’alerte) et des affectations de probabilité à la valeur de ces signaux par le cortex (zone récente d’association). Sachant que chaque décision a un coût : si l’animal s’enfuit à la moindre alerte, il est moins efficace dans sa recherche de ressources ; si l’animal ignore les alertes ou se trompe sur elles, il est moins efficace dans son évitement des prédateurs. Le bon équilibre va déterminer sa valeur de survie. On peut se représenter ces aires thalamiques et corticales comme deux « sous-systèmes bayésiens, l’un traitant de signaux discrets sur une base immédiate et l’autre traitant d’une acquisition continue de données dans le temps ». Le système thalamique est grossier, mais rapide et efficace ; le développement du système cortical en interaction avec son prédécesseur agirait comme un sort d’instructeur sur l’analyse des événements à occurrence rare, indiquant s’ils sont neutres ou doivent être associés à des alertes.

Trimmer P. et al. (2008), Mammalian choices: combining fast-but-inaccurate and slow-but-accurate decision-making systems, Proceedings of the Royal Society B, doi: 10.1098/rspb.2008.0417 (Texte en libre accès)

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