28.7.08

Réflexions d'avant la fin du monde (dans quelques mois, depuis la Suisse)

La fin du monde ? Dans quelques mois. Elle devrait commencer en Suisse, lors de la mise en service du LHC (Large Hadron Collisionner) au Cern. Le LHC est un accélérateur de particules destiné à analyser les propriétés quantiques, le plus puissant jamais mis en service. Pourquoi provoquerait-il la fin du monde ? Parce qu’il existerait une probabilité non-nulle de créer un trou noir capable d’engloutir la Terre, le système solaire, et le coin de galaxie où nous vivions assez paisiblement.

Cette thèse est popularisée par Walter Wagner (États-Unis) et Luis Sancho (Espagne), dont seul le premier a une formation de physicien. Ces deux personnes ont entamé diverses actions en justice (voir leur site) et la rumeur de l’Univers englouti par l’homme en raison de la création d’un trou noir a rapidement gagné Internet.

En fait, les physiciens du LHC ont travaillé depuis plusieurs années sur ces hypothèses, dans le cadre d’un Groupe d’évaluation de la sécurité des collisions (LSAG). Ce groupe a publié un rapport en 2003 (ici, en pdf, anglais ; revue de ce rapport ici, pdf, anglais), puis réédité récemment une synthèse (ici, en pdf, français). Ces documents envisagent diverses possibilités liées aux expériences du Cern :
  1. recréation de rayonnement cosmique (mais toujours bien moins que ceux produits par la nature et qui bombardent en permanence la Terre comme le reste des planètes et étoiles),
  2. trous noirs microscopiques (par collision de protons, leur existence reste spéculative mais s’ils existent, ils sont très répandus dans l’Univers et incapables d’initier l’accrétion de matière pendant leur courte existence)
  3. strangelets (bloc de matière étrange contenant des quarks up, down et étranges, cette matière étrange devant se transformer en matière ordinaire en l’espace d’un millième de millionième de seconde)
  4. bulles de vide (hypothèse d’un Univers en configuration non stable qui pourrait basculer à cause d’une variation locale – au Cern – dans l’état stable dit de la bulle de vide)
  5. monopôles magnétiques (création de particules hypothétiques possédant une charge magnétique unique et capables de désintégrer des protons, mais la théorie prédit qu’elles sont trop lourdes pour être produites dans le LHC et que les plus légères sont déjà piégées dans le champ magnétique terrestre).

Quoi qu’il en soit, le LHC pose une intéressante question sur le principe de précaution. Toute à ses peurs multiformes, notre époque produit en permanence des mises en garde sur les risques supposés d’innovation (OGM par exemple) ou de changements induits par l’homme (réchauffement climatique par exemple). Et lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, il faut évaluer le rapport au risque par des calculs de type fréquence-gravité (plausibilités et valeur de l’aléa). Dans le cas du grand collisionneur du Cern, nous sommes confrontés à l’éventualité d’une gravité infinie (la disparition de la Terre, de la vie, voire de l’Univers) affectée d’une probabilité non nulle (elle n’est pas nulle car le raisonnement scientifique dans le domaine quantique reste très spéculatif, et bon nombre de conclusions du LSAG sont de simples inductions à partir de l’état actuel de l’Univers ; ou parce que nous n’avons pas les outils scientifiques pour cette évaluation, puisque l’expérience est censée nous les fournir en nous renseignant sur les lois quantiques).

Tout cela devrait conduire logiquement à l’interruption de la mise en service du LHC. Et si nous acceptons malgré tout de prendre un tel risque, il faudrait peut-être reconsidérer la dimension dérisoire de nos angoisses sur les OGM, le réchauffement, les nano- et biotechnologies, tous ces épouvantails à (têtes de) moineaux...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est très comique cette histoire de trou noir.

Cédric Eyssette a dit…

Trop tard !
Cf. ce joli dessin de Chappatte.