2.5.08

Gènes, superstition et raison

La dépénalisation de l’avortement reconnaît que la femme a droit de vie et de mort sur son embryon comme être humain potentiel. Depuis ces prémisses, je ne vois pas pourquoi on interdirait à cette femme d’exercer le droit de soigner son embryon, ou même de l’améliorer, donc de modifier ses gènes en vue de la santé ou de la qualité de l’existence à venir. L’interdit sur la thérapie génique germinale n’est pas le fait d’une société superstitieuse, développant toutes sortes de tabous irrationnels, mais le fait des meilleurs esprits se disant raisonnables et rationnels. Allons donc : ces meilleurs esprits devraient interroger leur raison au lieu de se comporter comme un troupeau bavard véhiculant toujours les mêmes préjugés et les mêmes clichés sans jamais les interroger.

En quoi est-il raisonnable et rationnel de refuser la diminution d’une probabilité de maladie et de souffrance ? En quoi est-il raisonnable et rationnel d’empêcher la valorisation de certains traits, attitude que tout le monde adopte couramment et dont on se félicite quand elle concerne l’éducation de ses enfants ? En quoi est-il raisonnable et rationnel d’affirmer que le changement d’un gène ou d’un groupe de gènes affecte la dignité ou l’autonomie de la volonté de la personne à naître ? En quoi est-il raisonnable ou rationnel de prétendre que la diversité du génome de l’humanité pourrait s’appauvrir, alors que la technique permettant de modifier certains gènes permet tout aussi bien de les conserver dans des banques génétiques et de les réimplanter dans les générations futures si besoin en était ? En quoi est-il raisonnable ou rationnel de respecter aveuglément la loterie génétique de la nature, alors que nous ne cessons de la combattre et de la transformer quand nous luttons contre les maladies, domestiquons ou cultivons des espèces ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,
Je partage vos opinions et je ne vois pas en quoi quelques antiques principes moraux pourraient être pris au sérieux face aux progrès considérables que pourrait apporter le génie génétique dans la vie de tout un chacun. La vie n'est elle pas essentiellement un principe de survie, d'amélioration, et de complexification perpétuelle ?
Il est cependant un argument, avancé par de nombreux luddistes et autres technophobes, auquel j'ai encore bien du mal à répondre. Cet argument est celui de la "mauvaise" utilisation des avancées technologiques. Malheureusement, l'histoire et la fission nucléaire, par exemple, peuvent donner raison à ceux qui avancent ces arguments.
Pour ma part, je crois en l'utilité de la diversité comme "soupape" de secours et je ne pense pas que le génie génétique mènera nécessairement au meilleur des mondes décrit par Huxley. Cependant la mentalité partagée par la majorité de nos contemporains ne me rassure guère quant à l'utilisation future de ces technologies.
Il serait très appréciable de connaître votre position face à ces objections... peut-être dans un prochain billet.

C. a dit…

Je reviendrai sur ces thèmes, soyez-en sûr. Mais très vite : rien ne garantit le bon ou le mauvais usage d'une technique (bien avant le nucléaire, le silex taillé servit à casser des têtes, le feu à brûler des ennemis, et même le langage, qui n'est pas tout à fait une technique mais s'en rapproche, sert à faire progresser nos connaissances aussi bien qu'à véhiculer des messages de haine). On peut en revanche réfléchir à limiter les risques : dans le cas de la génétique, le respect des libertés individuelles va en ce sens. Même si des individus font des erreurs, ce sera toujours moins grave qu'un Etat imposant l'erreur à une population entière, a fortiori qu'un Etat mondial engageant toute l'espèce. Rien n'indique que les individus feront tous les mêmes choix génétiques, ni même que tous opteront pour des modifications. Et pour ce qui est choix communs des individus, je doute que l'on regrette un jour les gènes de la mucoviscidose ou des myopathies... même si en cas de pléiotropie imprévue (effet positif compensant l'effet négatif), on pourra toujours restaurer les gènes en question à l'état hétérozygote (c'est-à-dire présents mais n'exprimant pas la pathologie).