25.10.08

Tours et détours de la chasse aux gènes cognitifs

Pour identifier des variations génétiques humaines impliquées dans des traits complexes, une équipe de chercheurs anglais et néerlandais a procédé en deux étapes. Elle a d’abord utilisé les ressources de la génomique comparative pour observer les divergences entre l’homme, le chimpanzé, le rat et la souris. Les biologistes observent notamment le ratio Ka/Ks, c’est-à-dire les substitutions non-synonymes par rapport aux substitutions synonymes dans l’ADN fonctionnel (celui qui code pour une protéine). Une substitution est dite synonyme ou silencieuse quand le changement d’une base chimique n’affecte pas l’acide aminé, et donc la protéine produite par le gène. Plus le ratio est grand (plus les substitutions non-synonymes Ka sont élevées) et plus cela indique la présence d’une sélection positive sur le gène dans l’évolution. Les génomes de primates et de rongeurs servent de référentiels relatifs pour examiner cette vitesse de sélection (les divergences à échelle génomique globale de l’homme et du chimpanzé sont de 96 %, celles du rat et de la souris de 93 %, celle de l’homme et de la souris de 85 %). 7080 gènes communs et fonctionnels (exons) ont été identifiés dans les banques actuelles des génomes de ces espèces. Sur ceux-là, 202 gènes ont montré une sélection positive remarquable entre les hommes et les chimpanzés. De manière intéressante, 79 % d’entre eux sont exprimés dans le cerveau (contre en moyenne 32 % des gènes humains impliqués dans le système nerveux central). Sur ces 160 gènes liés au système nerveux, 22 montrent un ratio Ka/Ks plus élevé.

Dans la seconde phase de cette étude, les chercheurs se sont intéressés à des gènes présentant un polymorphisme dans la population humaine actuelle, et présents dans les 22 gènes d’intérêt identifiés par la génomique comparative. Le raisonnement est que ces gènes divergeant des chimpanzés et ayant accompagné l’hominisation doivent être impliqués dans des facultés cognitives humaines, mais peuvent aussi en expliquer les variations. Ils se sont penchés sur le gène-candidat ADRB2 : codant pour les récepteurs bêta de l’adrénaline, il est connu pour être associé à la formation et la consolidation de la mémoire, et pour présenter deux allèles dans les populations humaines (rs1042713 et rs1042714). Une étude familiale (Pays-bas) et une étude de population (Écosse) ont été menées pour analyser les corrélations entre ces variantes du gène ADRB2 et les capacités cognitives de sujets à divers âges (12 ans, 37 ans, 70 ans en moyenne). Il en ressort un phénomène intéressant : les polymorphismes du gène ont un effet positif sur l’intelligence chez les plus jeunes, mais négatif chez les plus âgés. Au total, ils expliquent environ 1 % de la variance cognitive sur l’échantillon observé. Cette dépendance à l’âge se retrouve sur d’autres effets du même gène dans les populations européennes, cette fois concernant l’hypertension (la variante rs1042713 d’ADRB2 facteur de protection chez les plus jeunes, d’aggravation chez les plus âgés).

Référence :
Bochdanovits Zoltan et al. (2008), A functional polymorphism under positive evolutionary selection in ADRB2 is associated with human intelligence with opposite effects in the young and the elderly, Behavior Genetics, online pub., doi:10.1007/s10519-008-9233-0)

(Merci à Zoltan Bochdanovits de m’avoir communiqué cet article).

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