19.10.08

Crise : vous y comprenez quelque chose, vous ?

Je n’ai pas une grande culture économique. Raison pour laquelle je lis avec intérêt les analyses de la crise en cours, dans l’espoir de me faire une idée. Hélas, les discours des économistes sont contradictoires et l’ensemble assez incompréhensible pour le profane. Les uns affirment que c’est la crise du marché autorégulé ; mais les autres soulignent que le secteur bancaire, au cœur de la crise, est au contraire très régulé et que les fonds spéculatifs (hedge funds), qui le sont moins, se portent mieux. Les uns affirment que le retour de l’État apparaît comme la solution la plus sage après la vague libérale lancée dans les années Reagan-Thatcher ; mais les autres suggèrent que les racines de la crise sont étatiques, avec la politique de yo-yo des taux d’intérêts de la Réserve fédérale américaine entre 2001 et 2008, et la création de la bulle immobilière par les entreprises d’État Freddie Mac et Fannie Mae (seule cette garantie d’État aurait permis de produire les crédits sur les ménages pauvres, donc potentiellement insolvables au moindre retournement conjoncturel du marché immobilier). Les uns disent que la titrisation, en permettant une distribution statistique des risques, est un outil de stabilité de la finance et de fluidité du capital ; les autres pointent cette titrisation comme la principale responsable de la crise de confiance, les bilans étant tous infectés par des «actifs toxiques». Les uns parlent d’une crise de l’économie «virtuelle» (spéculation) dont on ne sait si elle va contaminer l’économie «réelle» (production) par une contraction généralisée du crédit ou une hyperinflation ; les autres soulignent que cette distinction virtuel/réel n’a aucun sens en système capitaliste.

La seule chose que je parviens à déduire de tout cela pour le moment, c’est que l’économie ne semble avoir de «science» que le nom (et l’apparat de formalisations mathématiques), qu’elle est plutôt restée à son stade initial d’économie politique, ce qui permet à chacun d’instiller des jugements de valeurs dans le diagnostic des faits comme dans la formulation des solutions. Une autre observation, plus générale, est que l’analyse économique ne pourra apparemment pas s’abstraire d’une modélisation de l’irrationalité des acteurs (différente de la rationalité limitée, que la théorie des jeux scrute depuis une soixantaine d’années), irrationalité dont le secteur spéculatif offre une illustration pluriséculaire (cela a commencé avec la tulipomanie hollandaise de 1624-42). On parle beaucoup du «Nobel» 2008 d’économie attribué à Paul Krugman (ses laudateurs se félicitent surtout de ses tribunes antiBush dans le New York Times, mais ils seraient peut-être refroidis par les travaux antérieurs ayant valu ce «Nobel» et très favorables à la mondialisation) ; il me semble que les travaux des «Nobel» 2002, Daniel Kahneman et Vernon Smith, donnent des pistes intéressantes pour repenser l’économie depuis son socle, à savoir l’action humaine et l’esprit humain, et devraient connaître un regain d'intérêt.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"Les uns suggèrent que" ... "les autres que" ... mais tous, l'auteur de ce billet meme qui pense repenser l'économie, semblent vouloir croire encore bien fermement (ou désespérément selon le point de vue) à la viabilité future de la structure générale du système, parce qu'ils ont dejà tout vu, et savent dejà que tout passe.

“Au−dessus du fleuve tout est solide, toutes les valeurs des choses, les ponts, les notions, tout ce qui est “bien” et “mal”: tout cela est solide!"
Et quand vient l'hiver, qui est le dompteur des fleuves, les plus malicieux apprennent à se méfier; et, en vérité, ce ne sont pas seulement les imbéciles qui disent alors: “Tout ne serait−il pas— immobile?”
“Au fond tout est immobile",—c'est là un véritable enseignement d'hiver, une bonne chose pour les temps stériles, une bonne consolation pour le sommeil hivernal et les sédentaires.
“Au fond tout est immobile”—: mais le vent du dégel élève sa protestation contre cette parole!
Le vent du dégel, un taureau qui ne laboure point,—un taureau furieux et destructeur qui brise la glace avec des cornes en colère! La glace cependant— brise les passerelles!
O mes frères! tout ne coule−t−il pas maintenant? Toutes les balustrades et toutes les passerelles ne sont−elles
pas tombées à l'eau? Qui se tiendrait encore au “bien” et au “mal”?
“Malheur à nous! gloire à nous! le vent du dégel souffle!”—Prêchez ainsi, mes frères, à travers toutes les rues.

- Ainsi Parlait Zarathoustra

A ceux qui prechent ainsi, qui cherchent à y comprendre quelque chose, voilà qui les éclairera peut etre sur leur condition de placides vaches à lait qui rentrent docilement s'attacher à la balustrade chaque soir.

http://en.wikipedia.org/wiki/Zeitgeist,_the_Movie

Et pour rire aux éclats devant les explications savantes des grands analystes diplomés qui forts de formules mathématisantes à vocation impressionnante et de leurs graphiques montants et descendants décryptent le monde pour les bovins domestiques qui regardent passer le train, un peu de reverse engeneering ici :

http://en.wikipedia.org/wiki/Zeitgeist:_Addendum

“Malheur à nous! gloire à nous! le vent du dégel souffle!”
- Ainsi Parlait Zarathoustra

Anonyme a dit…

Pour ceux qui parlent anglais, cliquer sur mon nom, drôle et très intelligent.