10.10.08

La force des préjugés

Dans le New Scientist, un papier intéressant sur la psychologie de l'électeur. Pourquoi les informations fausses sont-elles généralement efficaces au cours des campagnes électorales ? Par exemple, Obama prétend dans ses spots que McCain veut privatiser la sécurité sociale et jeter des millions de travailleurs pauvres dans la désolation. Mais une analyse du programme de McCain par un groupe indépendant a montré que ses réformes ne changeraient rien, pour l'essentiel, au système actuel de répartition. Inversement, Sarah Palin clame comme un symbole de son opposition au gâchis de l'argent public qu'elle a fait barrage à un projet coûteux visant à relier l'Alaska à une petite île (l'affaire du "pont vers nulle part"). Vérification faite, c'est inexact. Cela n'empêche ni Palin ni Obama de continuer à défendre ces arguments auprès de leurs électeurs.

Une explication pourrait venir de la tendance innée de notre cerveau à raisonner par catégories (les "ontologies mentales"). Cette capacité est évidemment très utile, puisqu'elle permet de trier les informations sur le monde. Par exemple, nous ne devons pas réfléchir à chaque fois pour classer un chat, un chien, un oiseau ou un escargot dans la même catégorie "être vivant". Notre cerveau s'en charge tout seul, dès le plus jeune âge. Mais cette aptitude est assez grossière, et elle peut très bien alimenter les préjugés, stéréotypes et idées reçues (par exemple, on associe les femmes, les homosexuels, les Juifs, les Noirs... à certains traits et comportements). Dans le domaine politique, même l'électeur le plus inculte du coin le plus reculé du Texas sait que McCain est républicain et Obama démocrate : son cerveau sera porté à associer les informations sur les individus (McCain, Obama) avec celles sur les catégories (républicains, démocrates). Véhiculer un cliché demande moins d'énergie que contrôler le détail de chaque information. Et le cerveau d'un Texan est parfois avare en dépense énergétique, comme chacun sait. Dans un article à paraître (The Journal of Politics), le politologue Nathan Collins a mesuré cet effet de distorsion : l'électeur moyen a tendance à mésinterpréter la prise de position d'un homme politique lorsqu'elle s'éloigne de la ligne de son parti.

Cela rend quelque peu pessimiste sur la capacité d'une démocratie de partis, de masse et d'opinion à garantir la qualité des débats...

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