5.10.08

Langage et adaptation

Les humains ont créé rapidement un monde artificiel complexe. Rapidement au regard de l’échelle des temps géologiques propre à l’évolution. Artificiel car produit ex nihilo par réarrangement d’éléments naturels, sans antécédent dans le monde animal. Mais les humains sont démunis de programmation comportementale innée (instinct) face à ce monde. Ils s’éloignent d’une source de chaleur trop vive, ils se méfient d’une eau trop noire, ils reculent au bord d’un précipice, ils sont en alerte quand un buisson bruisse parce que la sélection naturelle a déjà opéré sur leurs ancêtres non-humains dans des situations exactement semblables, sur la longue durée. Rien de tel avec le monde créé par l’homme, produisant des situations inconnues des mammifères pré-humains. De là procède la nécessité des croyances, et particulièrement des croyances verbales (attitudes propositionnelles). On peut analyser le langage comme le substitut de l’instinct, la condition d’adaptation au monde complexe des humains : là où une programmation innée stricte fait défaut, une règle acquise et transmise se formule. Cette règle peut être la traduction verbale d’une programmation innée majoritaire (« tu ne tueras pas », parce que la majorité des humains répugne en temps normal à la violence meurtrière, quoiqu’une minorité l’emploie comme tactique de survie et met ainsi en danger les autres membres du groupe). Elle peut aussi être totalement étrangère à la moindre programmation génétique, et être entièrement dépendante du fonctionnement du monde complexe (« mettez une pièce pour obtenir votre boisson »). Dans cette hypothèse, langage et technique se répondent par une mutuelle sélection : plus le monde se modifie par l’action (technique), plus il faut être capable d’en intégrer les règles (langage). Dans cette hypothèse encore, un certain degré de croyance, de foi dans les attitudes propositionnelles est indispensable : celui qui ne croit pas dans les règles acquises et transmises aura du mal à s’adapter au monde ayant produit la nécessité de ces règles. Ce programme de croyance si nécessaire à la survie offre bien sûr un terrain propice pour la foi religieuse : prêter des intentions et des causes aux agents naturels / artificiels de son milieu et en prêter à des agents surnaturels n’est pas si éloigné du point de vue cognitif. Tant que la croyance surnaturelle ne contredit pas l’efficacité des croyances adaptatives, elle n’entrave pas la survie de l’individu et du groupe. Elle peut même la favoriser si elle offre d’autres avantages, par exemple l’esprit de solidarité et de sacrifice au sein d’un groupe en compétition avec d’autres groupes, le succès reproductif du croyant par bonne réputation, l’isolement des groupes et la minimisation du fardeau viral / parasitaire, etc. Enfin, le langage possède une autre propriété décisive, celle de formuler non plus des règles pour l’action selon les états externes du monde, mais des informations relatives aux états mentaux internes des individus. De ce point de vue, nos propositions sont des extensions de phénotypes, elles donnent des indices sur nos capacités neurales, elles forment donc des cibles pour la sélection sexuelle.

Aucun commentaire: