27.10.08

Phonagnosie : la patiente KH

Les annales de la psycho- et neuropathologie sont emplies de cas étranges. Ils intéressent vivement les chercheurs car les patients, victimes de troubles innés ou acquis, donnent une fenêtre rare sur les mécanismes de l’esprit. L’éthique biomédicale interdisant bien sûr des tests invasifs sur les sujets sains, il est difficile de progresser sur la modélisation des fonctions supérieures de l’esprit humain, absentes de la plupart des modèles animaux. Une équipe de chercheurs (University College, Londres) vient de décrire dans Neuropsychologia le premier cas inné d’un trouble rarissime, la phonagnosie. Cette pathologie se manifeste par l’incapacité à identifier des voix et à les associer à des personnes. On l’a déjà observée chez des sujets ayant subi des lésions cérébrales (tumeur, traumatisme), mais on ne connaissait pas de phonagnosie développementale, c’est-à-dire présente dès l’enfance dans le développement de l’individu. La patiente, connue sous le nom de KH, est âgée de 60 ans et a connu une vie socioprofessionnelle normale. Mais elle a toujours eu la plus grande difficulté à reconnaître les voix – par exemple, elle n’est jamais sûre d’être réellement en communication avec sa propre fille quand celle-ci l’appelle au téléphone. Les tests cognitifs ont montré l’absence de troubles connexes. KH est capable d’associer des émotions à des voix ou d’identifier les instruments de musique d’un morceau. Elle reconnaît les chansons les plus célèbres, mais ne peut en revanche les associer à leurs interprètes. De même, si elle entend des voix connues du grand public (acteurs, hommes politiques, etc.), KH est quasiment nulle dans leur attribution à la bonne personnalité. Son cas suggère qu’il existe une voie neurofonctionnelle spécifiquement chargée de l’identification vocale, autonome des autres qualifications de la voix ou des stimuli auditifs non-vocaux.

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