19.10.08

La vie est mal faite

Le bon sens populaire, et une certaine vision conservatrice, nous assurent que «la nature fait bien les choses» et nous suggèrent que l’homme ferait mieux de respecter ce vénérable édifice dont il est un héritier parmi d’autres. Tomislav Domazet-Lošo et Diethard Tautz (Institut Max Planck de biologie évolutionnaire, Allemagne) ont procédé à une analyse phylostratigraphique du génome d’Homo sapiens. Celle-ci consiste à comparer des gènes humains avec les gènes d’espèces séquencées et représentatives de l’arbre entier de la vie, depuis les unicellulaires jusqu’aux mammifères. Les grandes branches de cet arbre sont représentées par des innovations clés, formant des phylostrates, comme par exemple l’apparition de la multicellularité ou de la viviparité. L’arbre des deux chercheurs compte 19 phylostrates (ps). Sur les 22.845 gènes humains étudiés, environ 60% apparaissent dès les strates 1-2 et sont liés au fonctionnement cellulaire de base. Les autres pics sont situés à ps6 (multicellularité, au Cambrien), ps11-12 (transition poisson osseux tétrapodes), ps16 (mammifères euthériens), ps19 (primates). 13% des gènes humains apparaissent communs avec les mammifères (ps15 et au-delà).

Ces résultats correspondent à ce que l’on sait de l’évolution du vivant. Mais la surprise des chercheurs est venue lorsqu’ils ont examiné les gènes les plus fréquemment associés à des maladies humaines. On aurait pu penser que ces gènes tendent à être sur-représentés dans les lignages les plus récents : c’est l’inverse qui est vrai. Les gènes de maladies sont sous-représentés au-delà de ps15 (mammifères), ils connaissent au contraire des pics très tôt dans l’évolution, en ps1 et ps5-6. «Les mutations causant des maladies devraient affecter la fitness et être donc perdus sur la durée. Sur des temps évolutifs longs, on devrait alors s’attendre à ce que les gènes sujets à de telles mutations deviennent optimisés en vue de réduire leurs effets nuisibles. Mais, comme ce n’est apparemment pas le cas, il faut conclure que les maladies génétiques sont une composante inévitable de la vie.»

Référence :
Domazet-Lošo T., D. Tautz (2008), An ancient evolutionary origin of genes associated with human genetic diseases, Molecular Biology and Evolution, online pub. doi:10.1093/molbev/msn214

(Le texte peut être téléchargé – pdf, anglais – sur la page de Tomislav Domazet-Lošo)

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