2.10.08

Cortisol et trouble des conduites

Notre époque est obsédée par les questions de sécurité des biens et des personnes, mais se demande finalement assez peu pourquoi et comment un individu devient délinquant. L’explication standard des sciences sociales renvoie cela à divers facteurs de milieu (pauvreté, démission familiale, déscolarisation et désocialisation). Mais il est souvent difficile de séparer les corrélations des causalités, par exemple de savoir si la désocialisation provoque la violence ou si la violence produit la désocialisation. Et surtout, comme les mêmes facteurs de milieu produisent des individus violents et d’autres non, on peut supposer qu’ils ne détiennent pas toutes les clés de la question. Le simple fait que plus de 90 % des auteurs de violences physiques dans toutes les sociétés connues sont des hommes et non des femmes, et particulièrement de jeunes hommes, suffit à indiquer que la biologie est aussi requise pour comprendre les ressorts de l’agressivité et l’impulsivité dans l’espèce humaine.

La nososgraphie psychiatrique parle de « trouble des conduites » pour désigner un comportement apparaissant dans l’enfance et se développant dans l’adolescence, marqué par des atteintes répétées aux droits d’autrui et aux normes sociales, d’intensité et de durée variables selon les individus : colères, désobéissances, coups et blessures, vols, viols, etc. (voir la synthèse de la récente expertise collective de l’Inserm à ce sujet, document pdf, français). Il existe aussi un « trouble oppositionnel avec provocation », généralement moins agressif, qui tend à disparaître après l’enfance. On estime que 5 à 9 % des garçons de 15 ans souffrent de trouble des conduites (TC).

Une nouvelle étude de chercheurs de l’Université de Cambridge, dirigés par Graeme Fairchild, vient de s’intéresser au profil hormonal des sujets atteints de TC (42 depuis l’enfance, 28 depuis l’adolescence) en le comparant à celui de 95 sujets non pathologiques. Plus précisément, ils ont mesuré le taux de cortisol, une hormone connue pour être impliquée dans la gestion du stress. Les chercheurs ont analysé le taux basal de cette hormone dans la journée, ainsi que dans une situation psychosociale de stress provoqué. Il s’agissait d’un jeu où le sujet lutte contre un compétiteur virtuel pour un gain d’argent, compétiteur qui multiplie frustrations, provocations et moqueries. Chez les sujets non pathologiques, le taux de cortisol a grimpé de 48 % au maximum du stress, ce qui est la réponse attendue dans ce genre de situation. Mais chez les 70 sujets atteints de TC, le taux de cortisol a au contraire baissé de 30 %. En revanche, les taux diurnes sont exactement semblables en dehors des situations de stress. On n’observe pas de différence selon que le TC apparaît dans l’enfance ou dans l’adolescence, ce qui suggère que la réponse hormonale n’est pas acquise et renforcée par des « mauvaises habitudes », mais plutôt présente dès la manifestation du trouble. L’étiologie du TC reste à établir. On sait que son héritabilité est d’environ 50 %, mais que d’autres facteurs de vulnérabilité existent, notamment le comportement de la mère pendant la grossesse (nutrition, alcoolisme, tabagisme, consommation de substances psycho-actives). Et le cortisol est loin d’être le seul facteur impliqué dans les comportements agressifs et impulsifs, qui peuvent être associés à divers dysfonctionnements cérébraux.

Référence :
Fairchild G. et al. (2008), Cortisol diurnal rhythm and stress reactivity in male adolescents with early-onset or adolescence-onset conduct disorder, Biological Psychiatry, 64, 7, 599-606, doi:10.1016/j.biopsych.2008.05.022.

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