28.4.08

Longue vie aux gros cerveaux

S’il faut caractériser l’humain parmi tous ses cousins primates ou petits-cousins mammifères, la taille du cerveau est sans conteste le trait le plus caractéristique, plus précisément le quotient d’encéphalisation (taille du cerveau rapportée à la taille de l’organisme). Mais cette encéphalisation a un coût évolutif : le développement est plus lent, il demande plus de soins, il expose les plus jeunes à des risques plus élevés de ne jamais atteindre l’âge reproductif. Des chercheurs de l’Université de Zurich et de l’Université Duke ont analysé 28 espèces de primates vivant dans des conditions sauvages. Ce point est important, car la plupart des études précédentes incluaient des animaux vivant en zoo, connus pour avoir un rythme de croissance plus soutenu. Pour les humains, ils ont choisi la tribu des Ache, qui vit dans les forêts tropicales du Paraguay et dans des conditions assez proches de celle du Paléolithique (chasse, cueillette, aucune contraception).

Le résultat de leur travail montre qu’il existe une corrélation constante entre l’encéphalisation d’une part, la longévité d’autre part. En fait, l’allongement de l’existence se retrouve sur toutes les étapes analysées : durée de la grossesse, années séparant la naissance de la maturité et de l’autonomie, développement pré- et post-natal du cerveau jusqu’à sa configuration complète, espérance de vie adulte. Les espèces à gros cerveaux présentent des techniques plus complexes de recherche de nourriture, des méthodes plus élaborées d’évitement des prédateurs et des aptitudes sociales plus développées. Au final, il y a donc un rapport coût bénéfice favorable entre les risques plus élevés de la période infantile (ainsi que de la gestation et de la mise au monde) et les gains liés à l’encéphalisation.

L’Homo sapiens actuel dérive de rameaux évolutifs n’ayant cessé de gagner en volume du cerveau au cours de l’hominisation : 450 cm3 pour les Australopithèques, 640 cm3 pour Homo habilis, 940 cm3 pour Homo erectus, 1350 cm3 pour notre espèce. Les chercheurs ne sont néanmoins pas d’accord sur les mécanismes exacts de ce « cycle vertueux » où le développement cérébral semble s’être auto-entretenu. L’hypothèse la plus souvent rencontrée est celle d’une « sélection sociale et sexuelle » où la survie au sein du groupe a requis des facultés de plus en plus complexes, c’est-à-dire que le groupe lui-même et ses interactions (à l’intérieur, à l’extérieur) sont devenus un environnement adaptatif exerçant une pression sélective sur les individus.

Référence :
Barrickman N.L. et al. (2008), Life history costs and benefits of encephalization: a comparative test using data from long-term studies of primates in the wild, Journal of Human Evolution, 54, 5, 568-590. doi:10.1016/j.jhevol.2007.08.012

2 commentaires:

Anonyme a dit…

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Comment se place l'homme de Néanderthal dans cette perspective d'évolution, avec son cerveau plus volumineux que celui de l'homme ? Son quotient d’encéphalisation est-il plus faible que celui de l'homme ? Peut-on envisager une différence de ses fonctions hormonales pour expliquer une différence de ses facultés cognitives par rapport à celles de l'homme ? Sait-on aujourd'hui pourquoi il a disparu ?

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C. a dit…

En accord avec son gros cerveau (jusqu'à 1500 cm3), il semble bien que Neandertal enterrait ses morts, pratiquait l'art, avait un langage, a fait évoluer ses techniques de taille... toutes sortes de choses que l'on attribue à tort au seul H. sapiens. Sur la disparition, les hypothèses les plus probables semblent la fusion avec H. sapiens (la génétique est encore incertaine, on trouve des squelettes qui paraissent hybrides) ou la maladie (H. sapiens était probablement porteur de germes vis-à-vis desquels H. neandertalensis n'était pas immunisé, cf. l'exemple historique de la variole en Amérique). Une extinction progressive par diminution de la taille démographique à un stade critique n'est pas exclue non plus.