L’homme est un animal violent. Et le mâle bien plus que la femelle. Pourquoi cette violence ? Parce qu’Homo sapiens cherche le maximum de ressources pour lui-même et les siens, mais que celles-ci sont en quantité limitée ou fluctuante – c’est le lot commun du vivant. Parce qu’Homo sapiens est une espèce sexuelle, et que la compétition est toujours féroce pour accéder aux partenaires du sexe opposé, puis les conserver. Parce qu’Homo sapiens est une espèce sociale, et que les sociétés animales produisent toutes des hiérarchies au sein des groupes et des conflits entre les groupes. Parce qu’Homo sapiens est une espèce consciente, et que la conscience aiguise les motifs de violence au lieu de les apaiser – elle nourrit l’impatience, l’humiliation, l’aigreur, la colère, l’envie, la jalousie, la hargne, la haine, le désir de vengeance, la volonté d’appropriation, toutes sortes de sentiments spécifiquement humains que l’on réprouve souvent, mais qui n’en accompagnent pas moins notre condition biopsychologique et qui nourrissent des explosions sporadiques de violence chez les individus ou les groupes. Depuis Homère ou la Bible jusqu’au dernier téléfilm ou jeu vidéo, la violence est omniprésente dans la fiction – avec l’amour, c’est en fait son thème majeur.
Quand on réfléchit à la société idéale ou au régime idéal, c’est un point qu’il faut garder en tête : que fait-on de cette violence ? Le capitalisme s’est pensé lui-même comme une solution à cette question : détourner l’ardeur des hommes de la guerre vers le commerce, canaliser la compétition dans la production et la consommation, noyer le conflit dans la jouissance et l’abondance. Lorsque le capitalisme doit se défendre de ses critiques, le premier argument qui lui vient à l’esprit est toujours celui de la violence : regardez les régimes nationalistes, fascistes, nazis, communistes, islamistes… est-ce ce débordement de contraintes, d’agressions, d’intolérances, de terreurs et de guerres que vous désirez ? Et inversement, bien des critiques du capitalisme lui reprochent d’être encore trop violent – violence désespérée des marges n’ayant d’autres moyens de survivre, violence froide des plans sociaux brisant des destins ou violence implicite des plans de carrière écrasant les voisins, violence rationalisée dans l’exploitation-destruction systématique de la Terre, violence organisée des guerres colonialistes et impérialistes pour accéder aux ressources.
Les Européens s’estiment souvent vaccinés contre la violence après avoir été saignés par deux guerres mondiales. Mais leurs sociétés plutôt paisibles, désengagées des conflits, paraissent l’exception plutôt que la règle. Et dans le siècle qui s’annonce, rien ne laisse présager la disparition de la violence comme problème majeur de la co-existence humaine.
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