18.4.08

Quatre erreurs sur le darwinisme

L’année 2009 sera celle du bicentenaire de la naissance de Charles Darwin, et des 150 ans de la parution de l’Origine des espèces. On peut espérer que cette actualité commémorative permettra de dissiper un certain nombre de malentendus. Ceux qui n’ont pas lu Darwin, et surtout l’immense littérature visant depuis lui à appliquer la théorie de l’évolution à l’homme, continuent en effet de commettre à ce sujet des erreurs déjà anciennes. En voici au moins quatre.

Première erreur, l’anthropocentrisme indirect : « le darwinisme s’applique peut-être aux animaux, mais ne concerne pas l’homme ». Cela n’a pas de sens puisque l’homme est un animal et que tout trait humain ayant une base génétique, même s’il est fort différent du reste du vivant, subit la loi darwinienne d’évolution et adaptation par sélection des mutations favorables. Toutes nos facultés intellectuelles dites supérieures sont le produit de l’évolution — Darwin lui-même était bien conscient (et effrayé) de cela.

Deuxième erreur, la politisation naïve : « le darwinisme, c’est la loi du plus fort et la justification du monde tel qu’il est ». Cette critique concerne une version dix-neuvièmiste du darwinisme, surtout due à Herbert Spencer, mais elle fantasme sur des positions archaïques n’existant plus guère que dans les livres d’histoire des idées politiques, et n’ayant donc rien à voir avec le contenu de la recherche évolutionniste depuis quelques décennies. En tout état de cause, la théorie de l’évolution offre un niveau d’observation, description et modélisation du vivant, humain inclus, mais ne cherche pas à produire de justification particulière à ce qu’elle observe, décrit et modélise. Elle émet des jugements de fait, pas des jugements de valeur, elle sécrète des hypothèses, des prédictions et des modèles. Tout au plus disqualifie-t-elle les visions trop étroites d’un phénomène, les erreurs naïves dans les attributions de causalité.

Troisième erreur, l’antiscientisme assumé : « on peut très bien penser le monde présent et futur sans rien connaître aux travaux évolutionnistes, ni à la science en général ». Tout dépend ce que l’on appelle penser. Mais si l’on entend par là une réflexion sur la manière dont l’homme exprime ses caractéristiques d’espèce, sur la façon dont il se comporte vis-à-vis de lui-même et de ses semblables, sur les constantes et variations de son existence sociale, morale ou politique, méconnaître les sciences de l’évolution et du développement revient à produire des constructions théoriques sans bases solides, ayant tendance à tourner en roue libre sur leurs propres interprétations, à multiplier des niveaux d’explication inutiles et stériles, avec une probabilité non nulle de dégénérer en charabia ou en charlatanerie.

Quatrième erreur, l’étroitesse de vue : « le darwinisme s’applique à la nature, pas à la culture ». L’élégance et la portée de la théorie de l’évolution résident dans l’explication d’une énigme millénaire : comment du chaos apparent émerge l’ordre dans le temps, comment le hasard semble se soumettre à un dessein, comme la complexité peut être produite par des instructions simples. Tout groupe d’entités présentant trois propriétés suffisantes – réplication, fidélité relative de la réplication, longévité de la réplication – obéit à l’algorithme darwinien de l’évolution par sélection des mutations favorables au sein de ce groupe, « favorables » signifiant simplement se répliquant mieux que d’autres entités de même nature dans un même environnement. L’homme étant une espèce dont la culture procède fondamentalement par imitation, c’est-à-dire réplication différentielle, cela signifie que l’approche évolutionniste a et aura son mot à dire sur les idées comme sur les pratiques, sur tout ce qui se réplique en se modifiant progressivement dans le temps et en colonisant le milieu si particulier de nos cerveaux.

Nota : le Dr John van Wyhe coordonne la publication des oeuvres complètes de Charles Darwin en ligne, sur ce site (anglais). L'illustration de cet article en est extraite. On trouvera beaucoup d'informations et de données (en français cette fois) sur ce site, auquel j'ai eu le plaisir de contribuer lors de mise en place.

1 commentaire:

PS a dit…

A lire ou à faire en France :

10 erreurs sur le darwinisme