La revue Nature a réalisé un sondage auprès de ses lecteurs (scientifiques pour la plupart) pour savoir s’ils utilisaient des médicaments afin de stimuler leurs fonctions intellectuelles ou de modifier leur humeur. Trois molécules étaient concernées à titre principal : le méthylphénidate (Ritaline), un stimulant proche des amphétamines, normalement destiné au trouble hyperactif avec déficit de l’attention, mais détourné dans les campus pour aider les étudiants dans leurs révisions ; le modafinil (Provigil), une molécule prescrite pour les troubles du sommeil (narcolepsie), mais qui est utilisée pour combattre la fatigue et fixer l’attention ; le propanolol (bêtabloquant), qui traite l’arythmie cardiaque en première intention mais possède un effet anti-anxieux. Résultat : 20 % des sondés ont admis avoir utilisé un de ces médicaments (ou des équivalents) en dehors de ses fins médicales, dans le but de stimuler attention, concentration ou mémoire. Parmi eux, le méthylphénidate reste le plus populaire avec 62 % des usages (44 % pour le modafinil et 15 % pour le propanolol). Mais surtout, 80 % des lecteurs estiment que l’usage de telles molécules neurostimulantes devrait être libre, et 69 % sont prêts à accepter des effets secondaires légers si la modification cognitive attendue est bien au rendez-vous.
Il est peu probable que cette quête de la neurostimulation reste cantonnée aux étudiants et aux chercheurs (ou à certains milieux comme la mode, le show biz et le clubbing en général, où circulent des drogues nettement plus dures et moins légales). D’abord parce que nos sociétés sont de plus en plus complexes et nos économies de plus en plus cognitives, ce qui crée une pression de sélection sur les capacités mentales, ainsi qu’un stress cérébral soutenu. Ensuite parce qu’un nombre croissant d’individus considèrent comme légitime d’améliorer le fonctionnement de son cerveau sans fin médicale particulière, comme c’est déjà le cas pour le reste du corps avec l’usage de produits cosmétiques ou de modifications esthétiques (voir par exemple Anjan Chatterjee 2007 sur l’avenir de la « neurologie cosmétique » et de la « chirurgie neurologique », texte disponible sur sa page). Les esprits chagrins diront que cette course à la neurostimulation ne mène à rien, que changer sa personnalité n’est pas moral, que les inégalités cognitives vont se creuser… mais aucune de ces objections n’est vraiment tenable dans une démocratie fondée sur le pluralisme éthique et le respect des choix individuels tant qu’ils ne nuisent pas autrui. La neurostimulation a de l’avenir.
Références :
Chatterjee A. (2007), Cosmetic neurology and cosmetic surgery: parallels, predictions, and challenges, Camb Q Healthc Ethics, 16, 2, 129-37.
Maher B. (2008), Poll results: look who's doping, Nature, 452, 674-675.
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