11.4.08

Marx le proto-Mutant

Marx fut un observateur lucide du capitalisme de son temps, de la naissance et de l'importance de la société industrielle en général. Cet extrait des Manuscrits de 1844 montre qu’il entrevoyait également la destinée des sciences de la nature à devenir science de l’homme, dans un processus croisé de naturalisation de l’homme et d’humanisation de la nature. Quel dommage qu’il ait raté en 1859 son rendez-vous avec Darwin… Quant au marxisme historique et subséquent, il s’est montré incapable de produire la fusion annoncée, qui se réalise finalement sous les auspices du capitalisme. La convergence de la technoscience et de la vie apparaît ainsi comme l'orientation destinale d'une époque, indifférente en son chemin aux régimes et aux idéologies qui la portent.

« Les sciences de la nature ont déployé une énorme activité et ont fait leur un matériel qui va grandissant. Cependant, la philosophie leur est restée tout aussi étrangère qu'elles sont restées étrangères à la philosophie. Leur union momentanée n'était qu'une illusion de l'imagination. La volonté était là, mais les capacités manquaient. Les historiens eux-mêmes ne se réfèrent aux sciences de la nature qu'en passant, comme à un moment du développement des lumières, d'utilité, qu'illustrent quelques grandes découvertes. Mais par le moyen de l'industrie, les sciences de la nature sont intervenues d'autant plus pratiquement dans la vie humaine et l'ont transformée et ont préparé l'émancipation humaine, bien qu'elles aient dû parachever directement la déshumanisation. L'industrie est le rapport historique réel de la nature, et par suite des sciences de la nature, avec l'homme; si donc on la saisit comme une révélation exotérique des forces essentielles de l'homme, on comprend aussi l'essence humaine de la nature ou l'essence naturelle de l'homme ; en conséquence les sciences de la nature perdront leur orientation abstraitement matérielle ou plutôt idéaliste et deviendront la base de la science humaine, comme elles sont déjà devenues - quoique sous une forme aliénée - la base de la vie réellement humaine; dire qu'il y a une base pour la vie et une autre pour la science est de prime abord un mensonge.
Le monde sensible (cf. Feuerbach) doit être la base de toute science. Ce n'est que s'il part de celle-ci sous la double forme et de la conscience sens–ible et du besoin concret - donc si la science part de la nature - qu'elle est science réelle, L'histoire entière a servi à préparer (à développer). la transformation de “ l'homme ” en objet de la conscience sensible et du besoin de « l'homme en tant qu'homme » en besoin [naturel concret]. L'histoire elle-même est une partie réelle de l'histoire de la nature, de la transformation de la nature en homme. Les sciences de la nature comprendront plus tard aussi bien la science de l'homme, que la science de l'homme englobera les sciences de la nature : il y aura une seule science. »
Karl Marx, Manuscrits de 1884.

Aucun commentaire: