Le virus de la grippe nous fait tousser et éternuer. Ce n’est pas un hasard, puisque la grippe se transmet par voie respiratoire. Le virus Ebola, qui se transmet par tout contact avec des fluides corporels, provoque suées, diarrhées, vomissements et hémorragies. Ces stratégies virales sont des exemples classiques de l’évolution naturelle, qu’il s’agisse de leur mode de transmission ou de la relation hôte-parasite en fonction de la virulence, l’un et l’autre très variables.
Les idées sont des virus comme les autres, sauf qu’elles colonisent nos cerveaux. Elles possèdent leurs stratégies de réplication et de diffusion, pas toujours conscientes chez ceux qui les émettent ou les transmettent. Prenons « l’au-delà », cet excellent virus. Dire à quelqu’un « si tu continues de faire ceci ou cela, tu vas souffrir demain », cela n’est pas très efficace, car en l’absence de souffrance le lendemain, le cerveau va rejeter l’ensemble. Mais dire « si tu continues de faire ceci ou cela, tu vas souffrir dans l’au-delà », cela s’est révélé très performant : le virus de l’au-delà reste souvent en place, surtout s’il a colonisé de jeunes cerveaux dont le système immunitaire n’est pas bien armé contre ce genre d'infection mentale.
Ce virus de l’au-delà est plutôt en perte en vitesse. Alors il mute, surtout dans nos sociétés industrialisées et désenchantées. Prenons le catastrophisme ambiant en plein de domaines (le climat, la génétique, le nucléaire, etc.). Il n’utilise plus l’au-delà, mais un avenir assez lointain pour qu’on ne puisse pas le vérifier (les générations futures). En plus, ce virus mental a eu l’habileté de se coupler avec un autre, l’amour que l’on porte naturellement à sa progéniture. Ce qui donne des formules très efficaces, comme : « Si tu continues de faire ceci ou cela, tu vas faire souffrir tes petits-enfants ». C’est aussi terrifiant que l’au-delà, et aussi difficile à vérifier. Parfois, cela produit un croyant buté, réplicateur idéal du virus dans sa catégorie. Parfois, cela sème simplement le doute et dans le doute, on préfère encore obéir au précepte associé au virus - les réplicateurs sont là aussi efficaces dans leur catégorie, car ceux-là paraissent de surcroît raisonnables.
Tout cela ne signifie pas qu’un discours alarmiste ou catastrophiste est nécessairement faux, bien entendu. Mais il existe une probabilité non négligeable que l'essentiel de ce discours soit une manipulation autoréplicative sans fondement réel. Quand vous le lisez ou l'entendez, votre premier réflexe devrait être de supprimer ses virus périphériques et d’aller au cœur du propos, pour vous faire une idée de sa solidité. Evidemment, le coût social de cette prophylaxie mentale est qu'un certain nombre de journalistes et d'intellectuels seraient condamnés au chômage technique. Déjà que les curés et les prêtres sont une espèce en voie de disparition…
Illustration : virus influenza A en phase réplicative (Yoshihiro Kawaoka et al. in Nature 2006)
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