7.6.08

Sérotonine et sensibilité à l'équité

La sérotonine (5-HT) est un neurotransmetteur influant notamment l’humeur. Il est connu que des taux peu élevés dans le cerveau augmentent le risque d’anxiété et de dépression, ce qui est à l’origine d’une classe de médicaments bien connus (les inhibiteurs de recapture de la sérotonine, dont l’antidépresseur Prozac fut le premier). Mais la sérotonine est également impliquée de manière plus générale dans le contrôle de l’impulsivité et de l’agression, contre soi-même aussi bien que contre les autres. Elle influence par exemple les comportements addictifs, criminels ou suicidaires.

Une étude menée par des psychologues des Université de Cambridge (Royaume-Uni) et Californie (Los Angeles) suggère que la sérotonine conditionne également l’expression de notre sens de l’équité. 20 volontaires ont participé à un test avec le jeu de l’ultimatum. Celui-ci est très simple : un joueur se voit remettre une somme avec obligation de la partager, par exemple 100 euros. L’autre joueur accepte ou refuse l’offre de partage. L’expérience montre que, dans bon nombre de cultures, les individus développent un sens aigu de l’équité : ils préfèrent refuser un partage trop inéquitable (par exemple 80-20 ou 90-10), même si dans ce cas ils ne gagnent pas les 10 ou 20 qu'ils auraient pu espérer. C’est encore plus évident dans une variante du jeu où un joueur a la possibilité de punir celui qui partage de façon inéquitable : plus la répartition est égoïste, plus la punition sera sévère.

Les volontaires de cette expérience ont été divisés en deux groupes : les un recevaient un placebo, les autres un traitement entraînant une baisse aiguë et courte de la sérotonine. Le jeu de l’ultimatum était ici réduit à trois choix : juste (partage à 45 % de la somme initiale), injuste (30 %), plus injuste (20 %). Résultat : le taux de sérotonine n’a eu aucune influence sur le partage juste, mais plus il était bas, moins les individus étaient susceptibles d’accepter les partages injustes. Ce qui peut s’interpréter de diverses manières : influence directe sur le sens de l’équité, influences indirectes par l’humeur ou la désinhibition (protestations plus faciles).

Si le sens de l’équité paraît universel, et a déjà été observé sur des primates non humains en conditions de laboratoire, sa modulation est certainement complexe. On peut ainsi imaginer que de nombreux facteurs neurobiologiques le font varier. Cette variation interindividuelle pourrait être l’une des causes secrètes de nos divergences dans les débats sur la morale ou la justice.

Référence :
Crockett M.J. et al. (2008), Serotonin modulates behavioral reactions to unfairness, Science, online pub., Science DOI: 10.1126/science.1155577

4 commentaires:

Aucun a dit…

Bonsoir,

Vous dites : "les individus développent un sens de l’équité c’est-à-dire qu’ils préfèrent refuser un partage trop inéquitable (par exemple 80-20 ou 90-10), même s’ils ne gagnent rien à ce refus".

N'y a-t-il pas une erreur ? Ne serait-ce pas plutôt : "MÊME s'ils gagnent à ce refus" ?

Bonne soirée.

C. a dit…

Bonsoir et merci.

Ce que je voulais dire est que plutôt que gagner 10 ou 20 (dans l'exemple), ils préfèrent encore refuser le partage, donc ne rien recevoir du tout. Leur sens de l'équité l'emporte sur la perspective d'un gain "absolu". Je vais reformuler pour que ce soit plus clair.

Aucun a dit…

Bonsoir,

C'est plus clair ainsi. Merci.

Aucun a dit…

Bonsoir,

C'est plus clair ainsi. Merci.