15.6.08

Ne pas fumer tue

Deux économistes américains, Scott Adams et Chad Cotti, ont analysé les statistiques des accidents de la route en fonction de la localisation des bars non-fumeurs, imposée par certaines législations des États américains. Ils observent que l’on trouve plus de morts sur les routes dans les zones de prohibition du tabagisme (hausse de 13 % par rapport aux zones sans législation). Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Adams et Cotti proposent une explication possible en ce sens : les fumeurs roulent plus longtemps afin de trouver un comté où ils peuvent fumer (ou un bar ayant une terrasse). Comme on se rend dans un bar pour boire, et que l’on boit d’autant plus que l’on est sur les nerfs d’avoir roulé des kilomètres pour cela, le risque alcoolique potentialiserait le risque de la distance. Leur article avance plusieurs éléments chiffrés en ce sens et suggère un approfondissement de la question.

Dans le même ordre d’idées, il serait intéressant d’analyser par étude longitudinale les courbes de poids des personnes arrêtant de fumer, puis les éventuelles complications tardives, diabétiques ou cardiovasculaires. Pour en avoir discuté avec d’autres condamné(e) s à la cigarette du trottoir, beaucoup ont observé qu’ils mangeaient et grignotaient bien plus au bureau comme au restau, depuis la fatale disposition de la santé obligatoire pour tous. Espérons que cela sera pris en compte par l'Institut national de veille sanitaire (INVS), notamment chargé en France d’un suivi des effets de la loi antitabac. En février dernier, on avait annoncé en fanfare une baisse brutale de 15 % des infarctus en janvier 2008 par rapport aux deux années précédentes, baisse mise généreusement sur le compte de la loi vertueuse par la volubile Roselyne Bachelot. Mais du point de vue des températures, ce mois de janvier 2008 était en anomalie chaude par rapport à 2006 et 2007, et l’on sait que le froid est le premier facteur de variation saisonnière de mortalité cardiaque dans l’Hémisphère Nord. On avait promis une analyse plus détaillée en juin : gageons qu’elle viendra bientôt et qu’elle sera autant commentée que l’annonce de février, même si elle venait à relativiser l’attribution de la baisse des infarctus hivernaux au non-tabagisme obligatoire …

Référence :
Adams S., C. Cotti (2008), Drunk driving after the passage of smoking bans in bars, Journal of Public Economics, 92, 5-6, 1288-1305, doi:10.1016/j.jpubeco.2008.01.001

PS : je confesse bien sûr un conflit d’intérêt dans cet article, puisque je suis fumeur. Il ne fait guère de doute à mes yeux que le tabac nuit à la santé. Il ne fait guère de doute non plus que les gens sont libres de se tuer comme bon leur semble et que les bureaucraties n’ont aucune légitimité dans leur exercice biopolitique.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

est on libre quand on dépend d'une drogue? (après je veux bien disserter sur la notion de liberté...)La cigarette est un métier qui utilise un éventail de moyen pour "contrôler" ces clients (par la publicité, les détournements de travaux scientifiques, l'organisation de la contrebande...)
Il ne me semble pas non plus que l'Etat veuille dans un premier temps "contrôler" la santé des fumeurs, mais de façon plus terre à terre, peut-être faudrait-il le dire sans s'entourer du masque des politiques de santé publique, de contrôler les dépenses liées à la santé. Et nous sommes encore censéss être dans une vision solidaire (Sécurité Sociale...) des dépenses de soin. Il est vrai que les fumeurs sont déjà taxés à la source...

C. a dit…

Quand on le sait, oui. Cela fait longtemps que le "cancer du fumeur" est connu. Ensuite, la notion de pure liberté de l'esprit est difficile à concevoir, nos systèmes de plaisir et de recherche de récompense nous incitent à toutes sortes de comportements de manière non consciente.

Sur le contrôle étatique des dépenses sanitaires : fumer fait sûrement un bien fou à la Sécu, non seulement la consommation est surtaxée, mais le fumeur a une espérance de vie limitée (les coûts augmentent avec l'âge et les maladies chroniques au long cours). Au-delà, je ne vois pas de limite à cette volonté de contrôle de la santé publique. Si l'on en accepte le principe, il faudra par exemple accepter demain que l'Etat exige des individus la suppression à la naissance des gènes de prédispositions aux maladies dans leur génome, puisqu'ils représentent une probabilité de coûts à venir pour la collectivité. C'est d'ailleurs ainsi que l'eugénisme scandinave a longtemps justifié la stérilisation forcée d'une partie de sa population : il fallait être responsable vis-à-vis de la collectivité, celle-ci avait un droit d'action sur la vie des gens.

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je suis au-delà de la dépendance physique mais le manque des très nombreux plaisirs tabagiques me porte à manger sans arrêt par insatisfaction.
Le tabac tue mais la vie sans plaisir peut ôter le désir de rester non-fumeur.
Je précise
a) que je suis une mélancolique qui se soigne depuis longtemps sans anxiolitiques
b) j'ai un soutien anti-tabac
c) Mon activité est artistique, plutôt statique.
d) Je vis seule.
Je ne reprendrai pas la cigarette mais je ne suis pas certaine de vouloir continuer la route ainsi.