5.12.08

L'euthanasie : droit-liberté ou droit-créance ?

Louis Puybasset dans Le Figaro ou Jean Leonetti dans Le Monde s’opposent à l’idée d’euthanasie en la présentant tous deux comme un « droit-créance » de l’individu opposable à la société en général, au corps médical en particulier. Rappelons que le droit-créance se distingue du droit-liberté au sens où les premiers exigent une action de l’Etat (de la société) alors que les seconds se traduisent plutôt par une abstention du même Etat. La réunion, la manifestation ou l’expression sont des droits-liberté car l’Etat doit simplement s’abstenir de les entraver et les interdire. Le logement, le soin ou l’éducation sont des droits-créance car l’Etat devrait agir pour les rendre accessibles à chaque individu, cette action ayant notamment un coût pour les autres individus.

L’euthanasie est-elle un droit-créance ? On peut en douter. Au sens large, celle-ci désigne la liberté pour tout individu de choisir et d’organiser les conditions de sa mort – sans même qu’une maladie incurable ou une souffrance insupportable soient en jeu, même si le débat récent s’est cristallisé sur cette condition. Rien dans cette disposition n’implique l’intervention active de l’Etat : un médecin, une infirmière, un proche peut administrer une substance létale sans le moindre engagement de l’Etat ni le moindre coût social. Les opposants de l’euthanasie sont souvent d’ardents défenseurs de l’accompagnement et des soins palliatifs (voir par exemple le site de la SFAP). On peut s’interroger sur leur cohérence philosophique : ces soins palliatifs peuvent parfaitement être décrits comme un droit-créance de l’individu opposable à l’Etat et la société (à travers l’assistance et l’hospitalisation publiques). Pourquoi ce qui serait inacceptable ici serait formidable là ? Je conçois très bien que l’on s’oppose à l’euthanasie pour des raisons religieuses, morales ou simplement prudentielles. Mais je doute que nier l’euthanasie comme liberté individuelle ait un sens.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

L'interdiction de l'euthanasie, on le voit bien, est un héritage religieux. Le corps n'appartient pas à la personne, il appartient à Dieu, et la religion intervient dans l'intimité du corps physique. Interdit de la sodomie, de la masturbation, du sexe oral, interdit du suicide ou de l'euthanasie. L'euthanasie est le dernier bastion de l'église. C'est le plus absurde de tous. L'état remplace la religion: Interdiction de l'alcool, des drogues, bientôt de la cigarette. On infantilise l'être humain, on le contrôle. Reste en vie, ne meurs pas.

Unknown a dit…

Je trouve très vraie cette remarque sur la tendance de l'état à la surprotection des individus. Mais il me semble assez logique qu'il opte pour la prudence, dans le seul but de limiter les dérives. Même en considérant l'euthanasie comme un droit-liberté, l'état conserve une sorte de responsabilité en tant que modèle/norme (qu'on soit d'accord ou non) et ne peut pas se permettre d'être trop laxiste sur une question "mortelle".