10.12.08

Euthanasie : pendant l'agonie, le débat continue

Dans une tribune à Libération, Véronique Fournier (directrice du Centre d'éthique clinique à l'hôpital Cochin, Paris) revient sur l’euthanasie et la loi Leonetti (voir notamment ici et ici). Elle observe d’abord que le débat sur la fin de vie est, comme souvent, l’occasion pour certains de brandir l’oriflamme de la morale en supposant que leurs adversaires en sont dénués : «Certains se saisissent même de l’occasion pour donner des leçons de morale, ils appellent à une mobilisation éthique collective et à en finir avec le temps des vaines controverses. L’interpellation est violente. Serions-nous vraiment à l’aube d’un péril éthique ? Et les conclusions de M. Leonetti n’ont-elles pas vocation à plutôt inviter au débat qu’à le clore ? Il circule sur ces sujets aujourd’hui comme un parfum de prêt à penser bien-pensant et soi-disant consensuel qui fait frémir. Il devient urgent d’y résister.»

Elle conteste également la présentation faite par la commission parlementaire des expériences de nos voisins ayant légalisé euthanasie ou suicide assisté : «Que penser d’abord de la menace d’un péril éthique collectif ? Les Belges, les Hollandais, les Suisses y auraient déjà cédé, nous dit-on, en légiférant qui sur l’euthanasie, qui sur l’aide au suicide. Chez eux, l’euthanasie serait banalisée, jusqu’à s’appliquer à des personnes atteintes d’Alzheimer ; et on accepterait d’aider au suicide des personnes âgées simplement parce qu’elles se disent fatiguées de vivre… Mais comment ignorer que chez nous aussi, ici en France, il se rencontre, et souvent, des gens qui comme en Belgique, disent que s’ils ont vraiment la maladie d’Alzheimer, lorsqu’elle atteindra des proportions trop importantes, alors il faudra, je vous en supplie, que tout soit fait pour que cela s’arrête, qui demandent à l’écrire et que cela soit consigné dans leurs directives anticipées. (…) Il faut savoir aussi, qu’en France comme en Suisse, des personnes âgées ou moins âgées disent en toute lucidité que cela suffit, qu’ils ont assez vécu, que la maladie chronique qui les mine depuis des années et qui reste pourtant à peu près contrôlée médicalement, fait qu’ils sont devenus las de leur vie, qu’ils refusent qu’elle devienne pour eux, et pour leurs proches, plus lourde et lancinante encore.»

Véronique Fournier s’en prend également à l’hypocrisie de l’actuelle loi Leonetti qui accepte de fermer les yeux sur le «laisser-mourir» tout en s’arc-boutant sur l’interdit du «faire-mourir» : «Comment appeler autrement qu’euthanasie ce qui survient lorsqu’on arrête de nourrir et d’hydrater quelqu’un pendant plusieurs jours, sciemment, pour et jusqu’à ce que mort s’en suive ? Le recours à cette extrémité est autorisé par la loi, celle qui est censée faire de nous des parangons de vertu éthique et démocratique, des chevaliers blancs de la défense des droits de l’homme. (…) Les demandes de mort par arrêt d’alimentation et d’hydratation se multiplient aujourd’hui en France, parce que c’est souvent le seul moyen légal d’obtenir la mort que l’on souhaite ardemment pour soi ou pour l’autre».

3 commentaires:

Unknown a dit…

je suis on ne peut plus d'accord avec les propos de Veronique Fournier, mais j'ajouterais ceci :
contrairement à ce qu'on peut penser, l'euthanasie est une pratique relativement courante (selon les services et hôpitaux, on recense jusqu'à 2 cas par mois, et cela en toute illégalité) et il me semble nécessaire d'y mettre un cadre légal, tout en faisant attention à éviter les dérives. Je pense en particulier aux cas des personnes qui sont physiquement capable de mettre fin à leurs jours, mais qui demande de l'aide pour le faire. Cette aide qui serait apportée correspondrait alors à une sorte "d'incitation" au passage à l'acte, une aide psychologique pour franchir le pas, ce qui n'est plus de l'euthanasie mais de l'incitation au suicide, et est condamnable.

Anonyme a dit…

Mais ces gens qui sont vivants, souvent ne le seraient pas sans la réanimation, donc l'euthanasie, c'est aussi demander la fin de l'acharnement thérapeutique qui n'est en aucun cas naturel, ni même spirituel, car empêcher un être de mourir est tout aussi grave que d'empêcher un être de vivre quand il y a souffrance et demande de mort. Des tas de gens se retrouvent tétraplégique car ils ont été réanimés. Naturellement ils seraient morts. Donc en Suisse, par exemple, quand une personne s'abonne à Exit, cela veut dire qu'elle refuse l'acharnement thérapeutique, et c'est important de le signer avant qu'un pépin arrive.

Anonyme a dit…

A lire : http://www.causeur.fr/mourir-dans-la-dignite-et-pourquoi-donc,1559