9.12.08

Cadavres des villes, cadavres des champs ?

Dans Le Monde, un entretien avec le député Jean-Frédéric Poisson, auteur d’un prochain rapport sur les profanations de tombes en France. Il observe que «dans huit cas sur dix, les profanations ont lieu en zone rurale». Et il affirme en même temps : «je crois que le respect des ancêtres et des sépultures ne va plus de soi dans nos sociétés. On assiste à une banalisation, voire à une désacralisation de la mort». C’est curieux, parce que les campagnes sont supposées plus conservatrices que les villes, le mouvement de banalisation et de désacralisation devrait être inverse, plus marqué en zone urbaine qu’en zone rurale. J’aurais fait personnellement une hypothèse de travail différente : que les dernières campagnes sont traditionnellement plus indifférentes au statut intouchable des corps morts et de leur symbolique que les villes. Il me semble que la séparation nette des vivants et des morts, notamment la création d’enclos extérieurs au bourg pour les seconds, est un phénomène apparu progressivement, ne répondant pas à une habitude plus ancienne d’intégrer de quelque manière (y compris transgressive) le corps des morts dans le cours des vivants. Mais une autre hypothèse, moins complexe à tester dans les recherches de causalité, serait évidemment qu’il y a plus d'arriérés mentaux dans les campagnes.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Les campagnes ne sont plus ce qu’elles étaient, chimiquement pures et donc propices à l’arriération mentale (le crétinisme issu de la consanguinité). Aujourd’hui, par l’effondrement du monde paysan et le brassage des populations, on peut parier qu’il n’y a pas plus d’arriérés mentaux à Saint-Evariste-le-Rechigné qu’à Neuilly-sur-Seine (la cacaphonie – comme disait mon père – des dernières municipales suggérant qu’il y en aurait en fait plus dans la deuxième).

La désacralisation a commencé en ville : allez donc suivre un corbillard à pied dans une rue. Votre hypothèse, pour moi né à la campagne, ayant connu les rites mortuaires (le glas, la veillée, l’annonce du décès par porte-à-porte) et y ayant gardé des attaches, est donc contestable.

Les cimetières jouxtaient les églises pour des raisons religieuses. On trouvait même des sépultures à l’intérieur, et que des nobles ou des gens d’église comme je l’ai vu dans une paroisse du Cantal dans la vallée de la Jordanne. L’éloignement des cimetières est au départ lié à des problèmes de place et d’hygiène. Et il a commencé il y a bien plus d’un siècle, en plein revival du catholicisme. Pour moi, la désacralisation est d’origine nord-américaine.

Et si ces profanations avaient lieu en zone rurale tout simplement à cause de cet éloignement géographique ?

C. a dit…

Le fait que j'essaie de comprendre (mais que je n'ai pas vérifié, notez bien) : 80% de profanation en zone rurale quand 60% des habitants sont désormais massés en zone urbaine.

Sur le premier point et ma dernière hypothèse : il ne faut pas oublier le simple effet de la mobilité (l'émigration) où ce sont les plus "dégourdis" qui partent à la ville. Il y a le crétinisme par endogamie poussée, mais aussi une probable sélection par débouchés cognitifs.

Sur le second point : je confesse volontiers que je pensais à voix haute et légère dans ce post, en souvenir de lecture de Philippe Ariès et aussi de papiers ethnographiques. Il en ressortait que la solennité grave de l'hommage "bourgeois-moderne" au mort n'est pas forcément le fait du populaire, non que chacun n'en éprouve la souffrance bien sûr, parfois le respect superstitieux. Mais il y a ces contrées où l'on mange les morts, ces autres où l'on ripaille et festoie sur la tombe en meilleur hommage au disparu, ces trafics étranges de vagues "reliques" vaguement momifiées, et des anecdotes innombrables du passé révélant parfois un esprit digne des carabins...

C. a dit…

Je rajoute un point d'interrogation dans le titre.

Anonyme a dit…

Deux hypothèses encore plus simples :
1. le lieu d'un délit et l'origine géographique de son auteur ne sont pas nécessairement les mêmes ;
2. l'occasion fait le larron et les campagnes sont des lieux moins surveillés que les villes.

Cela dit, Poisson est un imbécile, je m'étais frotté à l'animal sur son blog à propos de ce qu'il disait d'un festival de black metal.

Anonyme a dit…

(PMB) La désacralisation, d'origine nord-américaine ? Avec tous les bigots qu'il y a là-bas ?
Et d'ailleurs, pour nombreux nord-américains, la France serait un pays socialo-communisant où les athées sont rois.

Unknown a dit…

je plussois shizodoxe : à mon sens la principale raison est qu'il est beaucoup plus facile d'accéder aux cimetières ruraux qu'urbains : moins de surveillance, moins de lumière, et murs moins haut.

C. a dit…

(Shizodoxe, Adijicia) Oui, le moindre contrôle des campagnes est une piste probable. Ce qui m'énervait un peu chez le député Poisson, c'était le côté "tout fout le camp, les traditions se perdent", alors que l'on confond souvent la tradition et la version bourgeoise des moeurs datant seulement du XIXe siècle. Confusion fréquente dans le camp du député Poisson, d'ailleurs... Dans le domaine du rapport aux morts (certes différent des violations un peu pathologiques de sépulture), je suis frappé au contraire de la distance générale de notre époque d'avec les précédentes. J'avais lu qu'au cimetière des Innocents du centre de Paris, au milieu de l'activité incessante d'allée-venue des dépouilles, il y avait des échoppes, des lieux de promenades et de rendez-vous, des prostituées... Bref, pas du tout l'idée que nos ancêtres du Moyen Age étaient pénétrés de contrition et de recueillement dans l'enceinte d'un cimetière.

Anonyme a dit…

A. me dit "La désacralisation, d'origine nord-américaine ? Avec tous les bigots qu'il y a là-bas ?"

OK, j'ai mal employé ce mot, que j'utilisais pour faire écho à Charles Muller. J'aurais dû dire l'escamotage, comme décit ci-dessous, dans une réaction à un texte de Redeker dans Le Monde, à la Toussaint :

Redeker n’annonce pas la « fin de la mort » mais au contraire dénonce la perte du sens de la mort à l’oeuvre dans nos civilisations occidentales (étasuniens en tête).

Autrefois, le deuil se faisait de manière rude mais efficace : on mourrait à la maison, devant la famille, le voisinage et les amis venaient veiller le cadavre, tout était en noir, on « portait le deuil » tant de mois, etc.

Aujourd’hui plus rien de tout ça, que des rituels de contournement, comme le maquillage du mort pour qu’il n’ait pas l’air mort.

Et ce contournement obsessionnel se trouve parfaitement illustré dans les avis de décès : vous ne verrez jamais Untel « est mort le… » mais « nous a quittés », « a rejoint Dieu ». On nous annonce son départ, à la rigueur son décès. Le mot « mort », vous ne le verrez jamais.

Et touts ces avis où X, Y, Z, nous annoncent ça et ça, alors que Z, accompagné d’une croix, est donc mort et ne peut rien annoncer du tout ! Tous ces anniversaires où on lit que un an, cinq dix ans après « tu es toujours là » et « notre douleur est intacte » alors que le travail de deuil vise précisément à ce que le mort soit bien mort, et qu’il ne soit plus là que comme souvenir, bon si possible ! Bon sang, mes parents sont morts il y a des années, je ne les invoque jamais, et me souvenir d’eux (souvent) ne me fait que du bien ! Plus de douleur !

Parce que voilà un sacré paradoxe : à vouloir nier la mort, elle n’en est que plus obsédante. Vos morts sans cesse évoqués, vivantifiés, ne font que vous empêcher de vivre.

Bon, ça me fera bien chier de mourir. Mais en attendant, je vis !

C. a dit…

(PMB) A propos des maquillages et euphémismes, des gens disent d'untel ou untel qu'il est "parti", notamment devant leurs gosses. Cela m'a toujours semblé incroyable, cette expression (et j'ai envie de dire, surtout devant des gosses !), la première fois que je l'ai entendue j'ai demandé "parti où?" sans y voir de malice.

Cette entreprise d'euphémisation généralisée se retrouve aussi bien dans les questions sur l'euthanasie, où l'on parle de "l'accompagnement de fin de vie" et autres balivernes psychologisantes.

Sinon vous avez raison, la mort ne convient pas tellement à notre temps si hygiénique et cosmétique, elle fait tâche dans le beau paysage du petit bonheur. Bien sûr, personne ou presque n'aime les cadavres, mais on pourrait se demander ce qui construit cet esprit du temps, nos dispositifs et nos dispositions à l'égard des morts.

Anonyme a dit…

C'est une nouvelle approche, et beaucoup de personnels soignants se forme, peut être pas encore assez en France.

Formation Accompagnement en fin de vie

Durée des études : 8 mois

Objectif de cette formation :

L'objectif de cette formation est de vous permettre d'acquérir un véritable savoir faire face à la maladie, et à la mort. Pour aider les personnes en fin de vie, la démarche demande l'acquisition d'une formation solide : théorique et pratique. Cette formation repose sur un cursus qui est composé d'un travail sur deux approches: théorie sur l'accompagnement et pratique.
Pour la partie pratique, pendant le stage vous apprendrez les différentes règles à observer concernant l'approche du malade ou de la personne en fin de vie, avec de nombreux exercices.
L'accompagnement des personnes en fin de vie est aujourd'hui une méthode de plus en plus recherchée. Le principe de cette formation est d'apprendre à aider des personnes souffrantes à entrer en communication avec le personnel soignant et accompagnant, afin qu'ils mobilisent leurs ressources pour trouver, sérénité et bien-être. Le travail de l'accompagnant peut se faire en milieux hospitalier, ou dans le privé au travers d'associations ou d'organisations sociales. De plus en plus de personnes se retrouvent isolées dans des structures hospitalières et qu'il s'agisse de problèmes de santé ou de vieillesse, la place de l'accompagnant est primordiale.

La formation de base comprend :

1 module par correspondance :
Un module sur l'accompagnement en fin de vie et 1 stage d'été de 5 jours.
Ce stage est essentiellement composé d'exercices pratiques.


Résumé du programme :

Module 1 : L'accompagnement en fin de vie

- La mort dans notre société
- d'hier à aujourd'hui
- les rites funéraires
- la théorie du deuil
- la théorie psychanalytique du deuil
- les 5 phases du mourir d'Elisabeth kübler-ross
- les deuils inavouables
- la mort et l'enfant
- le mourant et ses besoins
- les besoins fondamentaux du mourant
- les soignants face à la mort
- la dignité en fin de vie
- les soins palliatifs
- le fonctionnement des soins palliatifs
- les différentes structures des soins palliatifs
- l'acharnement thérapeutique
- l'accompagnement
- les bénévoles
- l'accompagnement spirituel des mourants
- l'accompagnement des familles
- les NDE
- l'euthanasie...

1 stage pratique d'été de 5 jours

Programme :

- Règles à observer
- les soins palliatifs
- l'approche du malade
- cheminements psychologiques du malade en fin de vie
- la mort à travers les âges - les différentes phases du deuil
- travail à partir de cassettes vidéo sur l'accompagnement
- Marie de Hennezel
- Bernard Martino
- introduction à la relation d'aide
- l'écoute active
- exercice pratique : sentir la présence de l'autre
- accompagner les familles
- facteurs de risques de deuils difficiles
- Les N.D.E. - l'euthanasie : du discours à la réalité
- exercices pratiques : le toucher
- relaxation et visualisation
- déontologie de la relation d'aide
- le deuil et les institutions médicales
- le pardon
- exercices pratiques : la dissolution de la rancoeur, le pardon, visualisation.