Au congrès annuel de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), Dietram Scheufele a présenté à ses confrères les résultats d’un sondage sur les nanotechnologies, spécialement commandité pour l’occasion. À la question de savoir si les nanotechnologies sont « moralement acceptables », 29,5 % des Américains répondent par l’affirmative. Les réponses positives s’élèvent en revanche à 54,1 % au Royaume-Uni, 62,7 % en Allemagne et 72,1 % en France.
Pourquoi une telle différence ? La place de la religion, selon Scheufele. « Les États-Unis sont un pays où la religion joue un rôle important dans la vie des gens, note le chercheur. L’importance de la religion dans les différents pays étudiés évolue en parallèle avec les différences que nous observons dans les vues morales ». Le scientifique précise encore que dans l’esprit du public, les nanotechnologies, les biotechnologies et la recherche en cellule souche sont amalgamées et assimilées à une même volonté de « se prendre pour Dieu » ou d’« améliorer l’homme ».
Pour vivre dans un pays formellement libéré de la religion, et en tête semble-t-il d’une vision amorale de l’avenir nanotechnologique, on émettra cependant quelques réserves sur cette interprétation. Nos médias hexagonaux dégorgent de « penseurs » n’ayant de cesse de nous mettre en garde contre les périls d’une transformation de l’homme et de la nature par la technoscience, sur le ton offensé de la « panique morale » si bien décrite par le philosophe Ruwen Ogien. Pourtant, ces intervenants intempestifs se réclament rarement de la religion, plutôt d’un humanisme laïc aux contours flous. Si le sondage de Scheufele est représentatif de l’opinion, cela signifie peut-être que l’outrance moralisatrice de ces directeurs de conscience est disproportionnée par rapport à l’état d’esprit dominant de la société. Ou, plus probablement, que le thème nanotechnologique est moins débattu chez nous que le thème biotechnologique. Lorsque les nanotechnos seront à la mode de ce côté-ci de l’Atlantique, il ne fait guère de doute que les médias dominants s’ouvriront complaisamment aux catastrophistes de tout poil annonçant des apocalypses imminentes ou se lamentant sur les pires outrages potentiels à la dignité humaine.
Le prêtre est une espèce difficile à éradiquer, même à l’ombre de la mort de dieu.
Illustrations :
Jan Kirstein (concours Nano-Art, 2006)
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