Selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé, un être humain est dit viable après 22 semaines de grossesse ou un poids supérieur à 500 grammes. Cette définition est assurément arbitraire, comme la plupart des conventions humaines : il est douteux que certains fœtus ne soient pas viables à 490 g et d’autres non à 510 g. Toujours est-il que l’on pouvait nommer et enterrer un fœtus ayant franchi ces limites.
En France, un arrêt de la Cour de Cassation vient de statuer qu’il est désormais possible de déclarer à l’état-civil tout fœtus né (ou expulsé) sans vie, et cela sans référence à une durée de grossesse ou un poids. Trois arrêts ont été pris dans ce sens. Les fœtus en question dans ces affaires (des couples avaient porté plainte) pesaient 155, 286 et 400 g. L’aménorrhée durait depuis 18 à 21 semaines.
Pourquoi pas ? Dans le même ordre d’idée, on pourrait aussi dresser des monuments aux morts pour les centaines de milliers de grossesses avortées chaque année, ou créer des micro-cimetières pour embryons congelés et abandonnés. Le problème scientifique et juridique (déjà ancien) est toujours de savoir si l’on naît à la conception ou à la naissance. Certains verront dans l’arrêt de la Cour de Cassation une avancée de convictions religieuses plaçant la naissance de l’individu au plus près de la conception, dès le stade embryonnaire. De fait, la mouvance catholique a exprimé sa satisfaction. Quoi de plus normal… à condition que les opinions et pratiques opposées soient également acceptées, c’est-à-dire que des femmes ou des couples puissent statuer librement sur la viabilité de leur fœtus jusqu’au dernier moment (disons la naissance), ce qui n’est pas le cas. L’asymétrie du droit reflète sans doute le natalisme intrinsèque des institutions en charge de la société, ainsi que l’influence persistante des visions du monde religieuses.
Ce qui est en jeu à l’évidence dans cette procédure, c’est aussi le désir de reconnaissance de parents ne pouvant pas procréer. Chacun est libre de son corps et la procréation est une activité comme une autre. Et cela fait certainement souffrir de ne pouvoir enfanter quand on le désire. Mais on peut se demander pourquoi la même époque qui accorde et élargit volontiers sa reconnaissance symbolique à cette volonté de procréation regarde dans le même temps d’un si mauvais œil certaines techniques reproductives comme le clonage ou l’ectogenèse.
Comme souvent, on a l’impression que seule la « nature » – si possible la nature souffrante et impuissante – est digne de notre intérêt collectif et de notre compassion commune.
Références :
Cour de Cassation, Première chambre civile, arrêts 06-16.498 (n° 128), 06-16.499 (n° 129), 06-16.500 (n° 130), 6 février 2008.
Illustrations :
Extrait du film Cloverfield.
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