18.9.08

Le cerveau modulaire

La modularité est une hypothèse très discutée en philosophie de l’esprit, à la suite notamment du livre de Jerry Fodor (Modularity of Mind : An Essay on Faculty Psychology, 1983). L’idée est que l’esprit est composé d’une agrégation de modules fonctionnels, remplissant des tâches spécifiques, correspondant à des aptitudes ou capacités sélectionnées au cours de l’évolution des espèces et de leurs systèmes nerveux. Cette modularité répond aux observations neurobiologiques de localisation de certaines fonctions cérébrales, connue depuis l’identification des aires du langage dans la troisième circonvolution du lobe frontal gauche par le Français Paul Broca, dans les années 1860.

Une équipe du laboratoire d’Alan C. Evans (Centre d’imagerie cérébrale McConnell, Université McGill, Canada) vient de proposer une analyse de l’architecture modulaire du cortex humain. Les chercheurs sont pris comme matériaux de base les neuro-imageries de 124 sujets sains des deux sexes, dont ils ont extrait les associations statistiques interrégionales selon l’épaisseur du cortex. Cette épaisseur est une mesure composite intégrant la taille, la densité et l’arrangement des neurones, des glies et des fibres nerveuses. Un algorithme d’analyse automatique des réseaux a permis de dégager 45 régions et 102 connections formant des clusters fonctionnellement cohérents (près de l’optimum pour la distance et la fréquence de liaison). Une seconde analyse a détecté l’existence de modules rassemblant certaines de ces régions (en comparant la fréquence effective des liaisons observées par rapport à des liaisons aléatoires entre chaque région). Il en ressort six ensembles regroupant chacun 4 à 10 régions corticales (figure ci-contre). Le module I (9 régions), rassemblant des régions préfrontales, correspond aux fonctions exécutives et stratégiques. Le module II (10 régions), dans le cortex pariétal et (pré)moteur, renvoient aux fonctions spatiales et sensorimotrices. Le module III (4 régions), sur le gyrus fronto-orbital et temporal inférieur, serait associé aux fonctions olfactives. Le module IV (7 régions), rassemblant notamment le gyrus parahippocampique et ses zones adjacentes, correspond aux process de mémorisation et d’émotion. Le module V (10 régions) rassemble les aires connues pour l’audition et le langage, le module VI (5 régions) correspondant au cortex visuel.

Les travaux de ce type seront bien sûr affinés à mesure que les observations du cerveau in vivo gagneront en nombre et surtout en précision. Et la modularité n’est qu’une des dimensions de la vie de l’esprit : le traitement en parallèle des informations, et donc la connexion et la mise en cohérence entre les modules et les régions impliqués dans un état mental donné, forment par exemple une autre clé pour comprendre l’émergence des représentations de soi et du monde depuis les neurones.

Référence :
Chen Z.J. at al. (2008), Revealing modular architecture of human brain structural networks by using cortical thickness from MRI, Cerebral Cortex, 18(10), 2374-2381, doi :10.1093/cercor/bhn003

(Merci à Yong He de m’avoir fait parvenir son papier).

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