16.2.08

Postures et impostures de la radicalité

Libération publie ce jour un papier intéressant sur les Intellos qui rejettent la démocratie, assorti d’un entretien avec Marcel Gauchet et d’un autre avec Zlavoj Zizek. L’article part donc de l’hypothèse d’une crise latente de l’idéal démocratique, dont un symptôme parmi d’autres serait le cheminement antidémocratique des certains intellectuels. Parmi eux, le philosophe français Alain Badiou, qui appelle à la dictature du prolétariat contre le parlementarisme bourgeois, ou l’essayiste slovène Zlavoj Zizek, qui envisage des mobilisations populaires en forme de nouvelles Terreurs.

Concernant ces deux auteurs, Marcel Gauchet résume fort bien les choses (à mon sens du moins) : « Ces propositions m’apparaissent surtout comme tragiquement irréelles. Elles témoignent de la décomposition de l’intelligence politique de la gauche extrême. Celle-ci semble n’avoir plus à se mettre sous la dent que des postures simplistes et narcissiques de radicalité qui ne coûtent pas cher puisqu’elles sont dans le vide. Je suppose que, psychologiquement, elles font du bien à ceux qui s’y rallient, mais, politiquement, elles ne pèsent rien, ne dérangent personne et surtout pas le pouvoir auquel elles sont supposées lancer un défi. »

Que certains campus des universités américaines ou certains quartiers de l’intelligentsia française servent encore de caisses de résonance à des penseurs comme Badiou ou Zizek n’a rien de très étonnant, cela fait des décennies que l’on s’y paie de mots sans aucune conséquence, des décennies que l’on y entretient une sorte de déréalisation de la pensée nourrie à l’inflation langagière (version déconstruction molle ou radicalité théâtrale), déconnectée des progrès des connaissances comme des évolutions des sociétés. Il y a encore des éditeurs et des lecteurs pour ces auteurs, tant mieux, ce doit être justement un effet de la liberté démocratique. Et cela donnera quelques matériaux de base pour une future analyse des processus de fossilisation cognitive en territoire intellectuel. Si l’on cherche des idées neuves (et vraiment dérangeantes) en ces domaines, je conseillerais plutôt la lecture de l’essai stimulant d’Alexander Bard et Jan Söderqvist, Les Netocrates, récemment traduit chez Léo Scheer et sur lequel je tâcherai de revenir prochainement.

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