10.2.08

Du maïs transgénique comme signe des temps

Le 9 février 2008 est paru au Journal officiel de la République française l'arrêté de suspension de la culture du maïs génétiquement modifié MON810 de la société Monsanto. Le maïs MON810 est porteur d'un transgène qui produit une molécule insecticide proche de celle naturellement fabriquée par une bactérie du sol, Bacillus thurigiensi. La culture du MON810 occupe 22 000 hectares (environ 0,8% des cultures de maïs), et cette superficie devait être portée à 100 000 ha au cours de l'année 2008.

Cette espèce génétiquement modifiée est l'une des plus étudiées dans le monde, en raison de l'ancienneté de sa mise au point et de sa mise en culture. L'ensemble de la littérature scientifique révèle qu'il n'existe aucun risque connu pour la santé humaine ou animale, une dissémination environnementale faible (probablement nulle en Europe où il n'y a pas de plantes apparentées au maïs), un certain nombre d'avantages économiques, environnementaux et sanitaires (voir le dossier très complet de l'Afis par exemple et la pétition signée par des centaines de chercheurs). Malgré cela, les autorités françaises ont décidé de geler les cultures du MON810 en activant la "clause de sauvegarde" prévue dans le cadre réglementaire européen.

L'enjeu réel de ces péripéties n'est pas énorme - tout cela doit beaucoup aux gesticulations politiciennes d'un pouvoir prêt à flatter l'opinion dominante. Quelques mots sur l'enjeu symbolique.

L'Europe en général, la France en particulier, se singularisent par une défiance à l'encontre des plants génétiquement modifiés : ceux-ci connaissent partout ailleurs une progression régulière, pas seulement aux Etats-Unis, mais aussi bien en Asie et en Amérique latine. L'opinion du Vieux Continent reste majoritairement hostile au phénomène, et les décideurs sont en conséquence très prudents. Dans l'ordre pratique comme dans l'ordre intellectuel, le fameux principe de précaution est ainsi devenu l'alibi de toutes les stagnations. Il satisfait le pouvoir, toujours disposé à réglementer chaque aspect de la vie quotidienne et à trouver la légitimité de son existence. Il satisfait le citoyen, devenu obsédé par le risque zéro, souhaitent évacuer tout imprévu de sa vie morne et tiède.

Beaucoup voit dans la prudence européenne l'expression de notre grande sagesse. Je la regarde plutôt comme la traduction de notre grande fatigue et de notre grande bêtise. L'Européen moyen, et donc le Français moyen, était déjà sorti de l'histoire avec un évident soulagement, préférant mobiliser sa faible énergie résiduelle pour battre sa coulpe en permanence sur les expériences totalitaires et coloniales. Il semble maintenant décidé à sortir du progrès, en récitant une à une toutes les généralités apocalyptiques issues du dictionnaire des idées reçues environnementalistes (la planète va mal, le climat se réchauffe, la biodiversité agonise, l'environnement se dégrade, la pollution se développe, etc.) et en se flattant auprès de ces voisins d'un tel exercice de sa supposée raison critique.

Ce mélange d'inculture scientifique crasse, de bonne conscience autosatisfaite et de sectarisme moralisant est assez insupportable à vivre - le sentiment d'être enfermé dans un sorte de musée poussiéreux où l'on vous contraint à regarder toujours la même vitrine et à la trouver jolie. Mais il est aussi sans conséquence : l'aventure humaine poursuivra son cours ailleurs. Que l'Europe se soit longtemps située à l'avant-garde de cette aventure n'implique pas à l'évidence que cette première place lui était réservée. L'histoire est certainement aussi darwinienne que l'évolution : ceux qui ne s'adaptent pas périssent dans leur coin, pendant que les niches disponibles sont occupées par des compétiteurs plus dynamiques.

Ainsi entre-t-on en douceur dans le stade fossile.

Post-scriptum : pour finir sur le sujet, je suggère à Monsanto de distribuer gratuitement ses semences à tous ceux qui en font la demande afin d'encourager un mouvement de semeurs volontaires. Qui n'a pas envie d'un joli plant de maïs transgénique dans son jardin ou sur sa terrasse ?

Illustration : Reuters.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Enfin une opinion dissidente! Je partage votre très bonne analyse comme je déplore la mensuétude dont bénéficient les fachos-faucheurs devant les tribunaux. les voilà confirmés dans leurs forfaits.