1.8.08
L'AntePaul
Nietzsche ne pardonnait pas à Paul d'avoir inoculé le virus chrétien aux gentils, et d’avoir fait cela en raison, par un éloge démagogique de l’échec existentiel adressé à tous les exclus de l’ordre romain, en forme d’inversion des valeurs antiques – « Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n'y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes; et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire à néant celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu. » (1 Co., 27-29). Mais Paul conservait de son éducation grecque, quoiqu’assez superficielle selon la majorité des exégètes, quelques rudiments de logique : « S'il n'y a point de résurrection des morts, Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et votre foi aussi est vaine. » (1 Co., 15, 13-14). Que tous ceux qui ne croient plus en la résurrection méditent donc sur la vanité de leur foi lorsqu’il l’appelle encore chrétienne. S’ils n’ont conservé de Paul que la vibrante espérance adressée à la faiblesse humaine, bien des manières s’offrent désormais de soulager leur conscience malheureuse : l’humanitarisme compassionnel suppure de tous les discours modernes, même le plus dur des capitalistes garantit qu’il veut le bien de tous à commencer par les plus pauvres, même le plus froid des technoscientistes promet que tous auront droit au progrès à commencer par les plus idiots – et bien sûr, les anticapitalistes comme les antiprogressistes les contredisent par la surenchère miséricordieuse, ils ne sont jamais en reste dans cette compétition généreuse pour la conquête des esprits, dont le plus grand nombre est l’objet et les individus les plus faibles l’alibi. Tous ceux-là ne se paient pas de mots, ils garantissent un paradis sur Terre bien plus palpable que les billevesées d’outre-monde. Toute naissance et toute croissance portent en germe les conditions de leur déclin et de leur mort : le christianisme périra lentement de sa condition initiale d’expansion, la tension vers cette masse indistincte n’ayant déjà plus de chrétienne que le nom, cette masse indistincte ayant finalement compris que la résurrection des morts est une absurdité, et la satisfaction des vivants une actualité. La modernité accomplit la fin du christianisme dans les deux sens du terme, et de là germent de nouveaux commencements. Dans les fins du passé émergent les origines du futur.
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5 commentaires:
Paul est une pièce rapportée, qui n'a rien apporté si ce n'est des tas de problèmes.
Plus intéressant que Saint (?) Paul, Saint Jean.
Pourquoi en "vouloir" à Paul? Il raisonnait en fonction des "lumières" de son époque. Pour le citer lui-même (1e Epitre aux Corinthiens, chap 13): Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant...
Paul en "lumière" ? Je dirais cela plus volontiers d'un Philon qui, à la même époque et depuis la même communauté juive, connaissait fort bien ses classiques.
Peut-être pas "lumières" en effet, quoiqu'il corresponde à la description de ce qu'on appelle communément à un illuminé. Festus lui a dit: " Tu es fou, Paul ; ton grand savoir te fait perdre la tête". Or, son savoir était partiel comme il l'avoue lui même dans cette même épître. Mon propos portait plutôt sur la phrase: Nietzsche ne *pardonnait* pas à Paul, et je voudrais dire en fait: pourquoi en vouloir à un enfant, ou pourquoi en vouloir à un fou.
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